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L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS


sinage de l’an 1230 ; le caractère anonyme et, pour ainsi dire, collectif qu’elle présente en rehaussera pour nous le prix.

L’étude de l’œuvre des six jours de la création est, en la Somme, l’occasion de quelques considérations astronomiques ; ces considérations, d’ailleurs, semblent porter la marque de deux origines différentes.

Les plus étendues paraissent avoir été rédigées en un temps où l’emprise de lâ Physique péripatéticienne ne s’était pas encore établie ; Aristote n’y est guère cité, tandis que Bède ou Saint Jean Damascène y sont très fréquemment invoqués ; la substance qui forme les cieux y porte le nom de lumière. Dans un passage qui semble plus récent, au contraire, cette substance reçoit le nom de cinquième essence ; dans ce passage, d’ailleurs, le De Cælo et Mundo d’Aristote est cité, et il semble bien que l’auteur ait lu le commentaire d’Averroès ; ce passage parait être un morceau ajouté après coup pour rajeunir les développements d’une science qu’on trouvait surannée.

Examinons d’abord, dans l’Astronomie qu’enseigne la Somme d’Alexandre de Hales, les parties que nous croyons être les plus anciennes.

La lumière ou substance lumineuse qui forme les cieux est divisée en un certain nombre d’orbes sphériques emboîtés les uns dans les autres et dont la perfection croît au fur et à mesure qu’on s’élève d’un orbe à l’orbe qui le contient. « Selon les philososophes[1], on admet l’existence de neuf sphères, savoir : Les sept sphères des astres errants, la sphère des étoiles qu’on appelle fixes, et la sphère du mouvement diurne ; selon certains philosophes, en effet, on dit que celle-ci est distincte de la sphère des étoiles. D’après cela, si l’on ajoute le ciel Empyrée, qui n’est aucun des cieux précédents, il y aurait dix sortes de lumières. »

L’existence des sept orbes des astres errants et de l’orbe des étoiles fixes ou firmament ne fait pas question ; la réalité des deux cieux les plus élevés est donc la seule que notre auteur se propose d’établir.

L’existence de l’orbe qui enveloppe le ciel des étoiles fixes est établie au sujet de cette question : Y a-t-il des eaux au-dessus du

  1. Alexandri de Ales Summœ Pars II, quæst. XLVII, membrum I. — Nous citons d’après l’édition princeps, en quatre volumes in-fo, dont le second volume a pour titre : Tabula tractatuum huius secunde partis summe Alexandri de Ales. — Colophon : Explicit secunda pars summe Alexandri de Ales irrevocabilis anglici doctoris Anthonii koburger impensis Anno christiane salutis Mo. cccco. lxxx I. III kalendas decembris.