Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
404
L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


rement. L’ordre dans lequel se doivent ranger ces divers cieux est, d’ailleurs, en évidence ; ce qui est uniforme et immobile est plus digne que ce qui est uniforme et en mouvement ; de même, ce qui est uniforme et en mouvement est plus digne que ce qui n’est ni uniforme ni immobile. »

Assurément, en tout cela, il n’y a guère d’Astronomie, et Bacon ne se trompait sans doute pas lorsqu’il accusait son confrère d’être peu versé dans cette science ; mais on ne saurait refuser à ces aperçus une certaine grandeur métaphysique.

Alexandre de Hales, d’ailleurs, ou les Frères mineurs auxquels il prête son nom, ont entendu quelque écho de la querelle qui met aux prises, au sujet du problème astronomique, les mathématiciens et les physiciens. Cette querelle, ils la comprennent comme Guillaume d’Auvergne la comprenait vers le même temps, comme Saint Bonaventure la comprendra un peu plus tard. Les agencements d’orbes solides à l’aide desquels Ptolémée et Ibn Al Haitam donnaient aux astres des mouvements semblables à ceux que l’Almageste leur attribue sont absolument ignorés d’Alexandre de Hales et de ses collaborateurs ; pour eux, deux doctrines astronomiques sont en présence ; l’une, qui est celle d’Aristote et des physiciens, imagine que chaque astre est enchâssé dans un orbe solide dont le mouvement l’entraîne ; selon l’autre, qui est celle de Ptolémée et des mathématiciens, chaque astre se meut librement au sein de la substance fluide qui remplit son orbe et qu’entraîne le mouvement diurne.

De ces deux doctrines, quelle est celle qui est admise par la Somme mise au compte d’Alexandre de Hales ? Il semble bien que les divers rédacteurs de cette compilation aient, sur ce point, oublié de se mettre d’accord entre eux.

L’un d’eux, en effet, celui qui paraît avoir écrit presque tout ce qui concerne les cieux, celui qui nomme la substance céleste la lumière ou le lumineux, parait opter pour le système qui fixe chaque astre à son orbe solide.

La lumière qui constitue les orbes des diverses planètes est d’autant plus noble, pense-t-il[1], partant d’autant plus légère que l’orbe au sein duquel elle se trouve est plus élevé ; la lumière de Saturne doit être plus parfaite et plus légère que celle des autres planètes ; « d’après cela, Saturne devrait se mouvoir plus vite que les autres astres errants, tout comme nous voyons, parmi les corps d’ici-bas, que celui qui est le plus léger se meut le plus vite, que

  1. Alexandri de Ales Op. laud., Pars II, quæst. XLVI, membrum V, art. II.