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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/430

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L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS


tème avec le système d’Al Bitrogi, un résumé de la théorie du mouvement de la huitième sphère proposée par Thâbit ben Kourrah, toutes choses dont Bacon avait traité dans l’Opus tertium, toutes choses auxquelles il avait consacré les quinze chapitres déjà reproduits par les Communia naturalum.

Si, d’ailleurs, ces sujets déjà examinés aux chapitres II à XVI sont repris par les chapitres XVII, XVIII et XIX, ce n’est pas que Bacon ait voulu compléter par ceux-ci ce qu’il avait déjà dit en ceux-là. Sans doute, le chapitre XIX donne, du système de la trépidation, une analyse plus circonstanciée que celle du chapitre VI ; mais le résumé du système de Ptolémée, que fournit le chapitre XVII, est notablement moins complet que l’exposition du même système donnée aux chapitres II à V.

C’en serait assez déjà pour nous autoriser à croire que les trois derniers chapitres du texte manuscrit de la Bibliothèque Mazarine n’ont pas été rédigés par Bacon pour être mis à la place où ils se trouvent. Une autre circonstance accroît encore notre confiance en cette opinion. Au chapitre XVII, l’auteur s’excuse[1] de ne pas reproduire la théorie d’Alpétragius ; il renvoie le lecteur à l’étude de l’ouvrage de cet astronome : « Objecta igitur per radiées Averrois et Alpetragii solvi debenti et lectorem præsentium ad sentencias eorum transmitto, et præcipue ad librum Alpetragii, propter copiam sermonis quem ego hic non possem brevitate qua tunc competit explicare. Quod si hic fieret, oporteret librum ejus hic inseri, quod non decet ». Or la dissertation qui a passé de l’Opus tertium aux Communia naturaliwn renferme un exposé assez détaillé de la doctrine d’Al Bitrogi ; cet exposé remplit les chapitres VII, VIII, IX et X de la cinquième partie du De cælestibus ; à lire le texte conservé par la Bibliothèque Mazarine, on croirait que l’auteur avait oublié ces quatre chapitres alors qu’il rédigeait le chapitre XVII.

Il est visible donc que les trois derniers chapitres des Communia naturalium, tels que nous les présente le Codex Mazarineus, n’ont pas été rédigés par Bacon pour être insérés dans l’ouvrage où nous les rencontrons.

Qu’ils soient, d’ailleurs, de Bacon, nous ne saurions le mettre en doute ; nous y trouvons, de la manière la plus nette, les caractères, si aisément reconnaissables, du style de cet auteur. Nous sommes donc amenés à conclure que ces trois chapitres sont un débris de quelque ouvrage composé par Bacon avant les Communia natu-

  1. Bibliothèque Mazarine, ms. n° 3.576, fol. 130, col. a. — Éd. Steele, p. 445.