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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/432

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L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS

» C’est ce qu’enseigne Averroès, à propos du XIe livre de la Métaphysique ; il prétend que, par ce moyen, il est possible de sauver les apparences ; car il dit qu’il est possible de sauver l’apparence la plus difficile à expliquer, savoir les variations du diamètre apparent de la Lune et des autres planètes vues de la Terre.

» Alpétragius, suivant Averroès, et peut être encouragé par les racines qu’Averroès avait plantées, les a développées et leur a fait produire des rameaux, des fleurs et de beaux fruits.

» Si donc les physiciens mathématiciens, suivant les voies de la Nature, s’efforcent de sauver les apparences tout aussi bien que les mathématiciens purs, ignorants de la Physique, et si, en même temps, ils sauvent constamment l’ordre et les principes de la Physique, tandis que les mathématiciens purs détruisent cet ordre et ces principes, il vaut mieux, semble-t-il, faire les mêmes suppositions que les physiciens, dussions-nous nous trouver en défaut lorsqu’il s’agit de résoudre certains sophismes auxquels le sens nous conduit bien plutôt que la raison ».

Bacon nous montre alors comment les mathématiciens, en imaginant des excentriques et des épicycles, contredisent aux principes de la Physique :

Le mouvement de la substance céleste n’est plus un mouvement circulaire pur ; il est mêlé de mouvement rectiligne vers le haut ou vers le bas.

Toute circulation de la substance céleste requérant une Terre fixe en son centre, il faudrait qu’il existât autant de Terres qu’il existe d’orbes excentriques.

Pour que les orbes pussent se mouvoir dans le ciel, il faudrait qu’il y eût production d’espaces vides, ou compénétration de corps célestes les uns par les autres, ou condensation et dilatation de la substance céleste.

Toutes ces raisons montrent que les suppositions des mathématiciens contredisent aux principes de la Physique péripatéticienne.

« La position des physiciens, poursuit Bacon[1], est plus difficile ; elle a été négligée jusqu’au temps d’Averroès et d’Alpétragius ; aussi n’est-elle pas encore suffisamment aplanie ; il n’y a encore ni instruments ni canons ni tables construits en vue de contrôler la thèse des physiciens ; et il n’est pas étonnant [qu’ils ne soient pas encore parvenus à sauver toutes les apparences], alors qu’un des astronomes, Albatégni, à cause de la contradiction évidente

  1. Ms. cit., fol. 130, coll. c et d. — Éd. Steele, p. 445.