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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/444

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L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS

Cette observation, que la Lune garde toujours même figure, était une heureuse confirmation des suppositions d’Aristote ; elle contrarie singulièrement les suppositions des Hypothèses et d’Ibn al Haitam. Si la Lune est fixée dans l’orbe de son épicycle comme le chaton à la bague, la rotation de cet épicycle doit présenter successivement à la Terre toutes les parties de la Lune. Telle est la difficulté que Bacon formule en ces termes[1] :


« Il résulte de ladite imagination que ce n’est pas toujours la même partie du corps d’une planète qui est tournée vers la Terre ou, en d’autres termes, vers notre regard. Or, Aristote prouve le contraire au moyen de la Lune, dont la tache nous apparaît toujours sous la même figure… Cet inconvénient ne peut être évité, à moins que nous n’attribuions à la planète un mouvement propre autour de son centre, ce qui est contraire à ce qu’Aristote enseigne au livre Du Ciel et du Monde. »

Ainsi les orbes solides combinés par les modernes ne font évanouir certaines des difficultés opposées par Averroès au système des épicycles et des excentriques qu’en faisant surgir de nouveaux inconvénients.

Toute cette discussion va-t-elle conduire Bacon à rejeter le système de Ptolémée pour embrasser l’opinion d’Alpétragius ? Nous n’avons encore entendu que l’une des parties en cause ; il est temps d’entendre l’autre.

« Bien que ces objections semblent détruire l’Astronomie de Ptolémée[2], il existe des raisons expérimentales, difficiles à réfuter, qui confirment cette Astronomie touchant la supposition des épicycles et des excentriques.

» L’une de ces raisons se tire de la non-uniformité des mouvements des planètes ; c’est de cette raison que Ptolémée a fait usage pour mettre en évidence l’existence des excentriques et des épicycles…

» Un autre argument, plus difficile à réfuter, peut être invoqué dans le même but ; un même astre errant est tantôt plus rapproché de la Terre et tantôt plus éloigné. »

Ce changement de distance d’un même astre errant à la Terre « peut être montré par diverses raisons expérimentales ». La Lune, passant au méridien, a un diamètre apparent tantôt plus grand et tantôt plus petit.

  1. Un fragment inédit…, pp. 132-133, — Liber secundus communium naturalium, éd. Steele, p. 440.
  2. Un fragment inédit…, pp. 134-137, — Liber secundus communium naturalium, éd. Steele, p. 440.