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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/459

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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


eût été faux : car, en toute matière, une petite erreur au début entraîne une grande erreur à la fin.

» Ainsi tous les phénomènes célestes s’accordent avec ce second système tandis qu’ils contredisent tous au premier ; or ces phénomènes posés comme prémisses doivent, de toute nécessité, être maintenus… C’est sottise que de nier ces propositions plus certaines que toutes les raisons, sottise semblable à celle des Anciens qui, en vertu de quelques arguments sophistiques, niaient le mouvement, le changement ou la pluralité des êtres, affirmant des erreurs dont le contraire apparaît avec évidence au seul sens commun. Sans doute, ce sont des choses qu’on ne peut démontrer, de même qu’on ne peut démontrer que le feu est chaud ou que l’être comprend substance et accident ; mais ce sont choses que nous recevons du sens. De ces choses-là, le Philosophe affirme que nous avons une certitude supérieure à celle qu’aucune raison peut donner, en sorte qu’il ne convient pas de chercher à en rendre raison ; en effet, tout raisonnement construit par nous présuppose le sens».

Nous pouvons nommer celui à qui s’adresse cette diatribe de Bernard de Verdun ; celui-ci avait lu le traité où Bacon osait, en faveur du système d’Al Bitrogi, écrire ces lignes : « Il semble qu’il vaille mieux suivre les suppositions des physiciens, dussions-nous faire défaut en la solution de quelques sophismes auxquels on est conduit par le sens bien plutôt que par la raison ». Fidèle interprète des principes posés aux Seconds Analytiques, l’auteur du Tractatus super totam Astrologiam renvoie l’épithète de sophistes à ceux qui, comme son illustre frère en Saint François, se fient plutôt à leur raison qu’au témoignage des sens.

Mais les Péripatéticiens ne se sont pas contentés de réputer douteux les principes du système astronomique de Ptolémée ; avec Averroès, ils ont prétendu prouver que ces principes étaient des absurdités ; il importe assurément de réfuter leurs objections ; Frère Bernard ne veut point faillir à cette tâche ; il y consacre tout un chapitre[1].

Voici, tout d’abord, les objections d’Averroès :

« On prétend que l’existence d’un orbe excentrique ou d’un épîcyclc exigerait que la substance du ciel fut divisible et raréfiable, ou bien que le vide fût possible, ou bien encore que deux corps se trouvassent en même temps dans un même lieu. En effet, la partie

  1. Bernardi de Virduno Op. laud., tract. III, dist. III, cap. IV (marqué par erreur cap. V dans le ms. 7333 lat. de la Bibliothèque Nationale).