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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/47

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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

« On se demande comment l’air et le feu ont la force de soutenir la substance de l’eau, qui est plus pesante. Mais ces eaux peuvent être si rares et subtiles, et si grande peut être la masse d’air et de feu qui se trouve au-dessous d’elles, que cette masse les puisse soutenir ; les morceaux de bois et certaines pierres, bien qu’ils soient de nature terrestre et plus dense que l’eau, ne sont-ils pas portés par l’eau ? »

Abailard a, de la théorie des corps flottants, une bien fausse idée ; il croit qu’une grande masse d’eau peut porter un petit corps, même s’il est plus dense que l’eau. Excusons son erreur. Ne semble-t-il pas qu’elle ait l’expérience pour elle ? Ne peut-on faire flotter une aiguille sur un verre d’eau ?

L’air, d’ailleurs, porte les eaux qu’ont données les exhalaisons de la terre et qui sont réduites en vapeur, avant qu’elles se réunissent en gouttes de pluie. « Si ces eaux supérieures sont plus rares encore et moins corpulentes que l’eau réduite en vapeur, pourquoi l’air et le feu sous-jacents ne pourraient-ils, à eux deux, les soutenir pendant toute l’éternité, puisque l’air tout seul suffit bien à soutenir pendant une heure la vapeur qui est plus dense ?…

» Ne sait-on pas, d’ailleurs, que l’air enfermé dans une vessie suspend et soutient la peau de la vessie dont il est entouré, Jnen qu’il soit beaucoup plus léger que cette peau ?… La masse totale de l’air et du feu. la sphère qui se trouve enfermée dans cette couche d’eau plus dense ne saurait donc être, par sa légèreté, empêchée de la supporter et soutenir.

» Cette eau ambiante presse, de toutes parts, l’air et le feu ; partant, elle ne _ pourrait tomber d’aucune façon, à moins que le feu ou l’air ne lui cédât place...

» Mais, d’autre part, l’air et le feu se trouvent comprimés de tout côté par les eaux qui les entourent, en sorte qu’ils ne puissent, par hasard, s’échapper ; de tout côté, en effet, ils ont de l’eau au-dessus d’eux, car, en toute sphère, ce sont les parties extérieures qui sont les parties supérieures. Or, pour que les eaux extérieures puissent comprimer ces corps, il faut qu’elles gardent quelque pesanteur ; et il faut que cette pesanteur soit modérée, afin que ces corps puissent soutenir les eaux…

» Certaines personnes, d’ailleurs, ont prétendu que ces eaux supérieures avaient été consolidées par la congélation et qu’elles ont été durcies sous forme dé cristal. S’il en est ainsi, plus elles sont solides, mieux elles retiennent l’air et le feu pour les empêcher de s’échapper, et plus fortement l’air et le feu les soutien-