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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/485

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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


côté, se trouve rapprochée du ciel des étoiles fixes et, de l’autre, en est éloignée », ne pourrait se mouvoir sans briser l’orbite, ou sans délaisser un espace vide, ou sans contraindre deux corps à occuper le même lieu.

De même que les arguments contre diverses suppositions des mathématiciens se sont trouvés mêlés, de même les raisons en leur faveur sont-elles présentées en désordre. Avec justice, l’autorité d’Aristote est invoquée en faveur de la supposition qui admet des mouvements célestes opposés les uns aux autres ; cela ne veut pas dire qu’Aristote eût admis les excentriques et les épicycles.

Notre auteur revient bientôt à la théorie d’Al Bitrogi. « Plus un orbe est inférieur, dit Alpétragius, plus son mouvement se trouve retardé ; plus il est élevé et voisin du premier mobile, moins son mouvement est en retard. »

Après avoir expliqué cette supposition par l’exemple de la Lune et par celui de Saturne, il la juge en ces termes :

« Mais cela ne vaut rien. Si la distance était la raison du retard, Vénus et Mercure seraient constamment en retard sur le Soleil, comme la Lune ; ce n’est pas ce que nous voyons ; car ces astres sont toujours au vosinage du Soleil, qu’ils le précèdent le matin ou qu’ils le suivent le soir. »

À la vérité, Alpétragius ne plaçait pas Vénus au-dessous du Soleil, comme le suppose notre auteur ; il mettait cet astre au-dessus du Soleil ; mais l’objection n’a besoin que d’un léger changement pour demeurer valable ; au lieu de toujours retarder sur le Soleil, Vénus devrait toujours avancer sur lui.

À cette objection, notre auteur en ajoute quelques autres qu’il tire du mouvement de la Lune. Le retard du mouvement de la Lune sur celui des étoiles fixes n’est pas constant ; très grand lorsque la Lune est en la partie supérieure de son épicycle, il devient beaucoup plus petit lorsqu’elle se trouve en la partie inférieure de ce même cercle. Dans les éclipses, la Lune ne met pas toujours le même temps à traverser le cône d’ombre de la Terre.

Il est vrai qu’Alpétragius fournirait des réponses à ces objections. « Il admet, en effet[1], que toute marche rétrogradé des planètes, toute station, accélération, déclinaison par rapport à l’écliptique provient de la diversité des pôles ; il suppose, en effet, que le pôle de chaque déférent est mobile, et il dit que le mouvement du pôle est l’occasion de cette diversité. Cela se peut raconter de l’éclipse de lune prise en général ; mais on ne saurait[2] le dire

  1. Ms. P, fol, 187, col. a et b ; ms. B, fol. 8, col. d.
  2. Ici le ms. P prend fin.