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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


à l’étoile qui se meut comme l’air ou l’eau cède devant le corps étranger qui se meut dans son sein ; un corps incorruptible est nécessairement indivisible, lorsque l’incorruptibilité dont il jouit appartient non seulement à l’ensemble, mais encore à chacune des parties ; et telle est l’incorruptibilité qu’on attribue au ciel ; aucun agent naturel ne peut donc mouvoir un corps au sein d’un ciel immobile. »

Ces réflexions diffèrent peu de celles que Saint Bonaventure avait développées à la même occasion ; elles n’ont pas l’intérêt de celles que nous allons analyser.

De celles-ci, il est vrai, nous ne pouvons plus affirmer qu’elles représentent vraiment l’enseignement de Duns Scot. Elles sont seulement un écho des opinions astronomiques qui, du vivant du Docteur Subtil ou peu de temps après sa mort, avaient cours parmi les Fransciscains de Paris. Ainsi interprétées, elles n’en demeurent pas moins un document singulièrement instructif pour l’histoire de la Mécanique céleste.

Or, il est impossible de lire ces réflexions sur la nature et la figure des orbes célestes sans remarquer leur très grande analogie avec ce que nous avons lu au Tractatus super total Astrologiam de Bernard de Verdun ; il semble bien que ce traité du Frère mineur ait inspiré les études astronomiques dans les couvents franciscains de Paris, au début du xive siècle.

Duns Scot, ou le disciple qui parle en son nom, commence par regarder comme acquis, du consentement unanime des astronomes, la vérité suivante : « Aucune étoile n’a de mouvement propre ; elle ne se meut pas autrement que l’orbe dans lequel elle est logée. Supposons, en effet, qu’il lui arrive de quitter cette partie de l’orbe où elle se trouve à présent pour se mouvoir vers une autre partie de cet orbe ; alors, ou bien aucun corps ne viendrait occuper sa place, qui demeurerait vide ; ou bien quelque chose viendrait remplir le lieu qu’occuperait l’étoile ; c’est donc que le corps du ciel serait susceptible de condensation et de raréfaction, ou bien encore qu’il pourrait se diviser en avant de l’étoile et reprendre sa continuité en arrière. »

Puisque toute étoile est entraînée par le mouvement d’un ciel solide, deux étoiles qui ne gardent pas une distance invariable ne peuvent appartenir au même ciel. Les phénomènes astronomiques exigent donc qu’il existe plusieurs orbes célestes. Mais quel en est le nombre ? Cette question soulève entre les astronomes un débat que l’Auteur franciscain se propose d’examiner et de juger.

À l’imitation de frère Bernard de Verdun, il commence par rap-