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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/522

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L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS


émet les rayons ; elle ne paraît pas différer des considérations de Witelo sur les pénombres.

La troisième, enfin, que notre auteur adopte, prétend voir dans la rotondité de l’image la preuve que la lumière se propage par ondes sphériques.

La lecture simultanée du traité De multiplicalione specierum, composé par Bacon, et des Opticæ libri decem de Witelo était bien propre à engendrer la confusion dont nous trouvons ici la marque.

Or les trois explications dont nous venons de parler sont également indiquées dans la Perspectiva communis de Peekham.

Le franciscain anglais Jean Peekham, qui joua un si grand rôle dans les débats philosophiques et théologiques du xiiie siècle, était né en 1228 ; il mourut en 1291, archevêque de Canterbury. On a voulu parfois l’identifier avec ce Jean qui fut disciple de Bacon ; les dates ne le permettaient pas, puisqu’en 1267 ou 1268, au moment où il présentait au pape l’Opus majus et le Tractatus de multiplicatione specierum, Jean n’avait, au dire de Bacon, que vingt ou vingt et un ans ; Peekham avait alors quarante ans.

Peekham n’en a pas moins été soumis à l’influence de son contemporain, de son compatriote, de son confrère en Saint François, Roger Bacon. De cette influence, on relève mainte trace dans son traité élémentaire d’Optique qui, sous le titre de Perspectiva communis, a connu une si longue vogue et tant d’éditions. Comment, en particulier, ne pas reconnaître l’inspiration du Tractatus de multiplicatione specierum dans ce que l’Archevêque de Canterbury écrit[1] au sujet de l’expérience de la chambre noire ?

Peekham énonce de la manière suivante la proposition qu’il veut établir :

« Les incidences rayonnantes qui passent par des trous anguleux de médiocre grandeur s’arrondissent en tombant sur les corps, éloignés de ces trous, qu’on leur oppose, et deviennent d’autant plus grandes qu’elles s’éloignent davantage. — Incidentias radiosas per angularia foramina transeuntes mediocris magnitudinis, in objectis corporibus a foraminibus remotis rotundari, semperque fieri eo majores quo remotiores. » Cet énoncé nous laisse indécis. S’agit-il d’expliquer, avec Witelo, comment la pénombre émousse les angles de la tache lumineuse fournie par des rayons qui ont traversé une ouverture anguleuse de quelque étendue ? S’agit-il,

  1. Joannis archiepiscopi Cantuariensis, Perspectivœ communis libri tres, lam postremo correcti ac figuris illustrati. Coloniæ Agrippiaæ, Apud Hæredes Arnoldi Birckmanni. Anno MDLXXX. Lib. I, prop. V, fol. 2, ro, à fol. 3, vo.