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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/524

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L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS


tache lumineuse, n’en soit pas la cause totale, voici qui le montre. » Peckham reprend alors une argumentation toute semblable à celle que développait notre auteur anonyme ; comme celui-ci, il considère le cas d’une ouverture triangulaire ; mieux que lui, et à la façon de Witelo, il prouve que la pénombre émoussera les angles de la tache lumineuse ; il conclut en ces termes : « La manière de rayonner dont nous venons de parler n’est donc pas la cause parfaite de la rondeur » de la tache éclairée.

Peckham va, dès lors, invoquer une troisième explication ; la voici :

« La figure sphérique, d’ailleurs, est apparentée à la lumière ; elle s’accorde avec tous les corps du Monde ; de toutes les figures, en effet, elle est la plus absolue et celle qui conserve le mieux la nature, car, en son sein, elle conjoint toutes les parties de la manière la plus parfaite ; la lumière, donc, se meut naturellement vers cette forme ; lorsqu’elle se propage à une certaine distance, elle l’acquiert peu-à-peu. On voit qu’en vertu de ces deux causes, la lumière qui passe par un trou s’arrondit graduellement ; c’est ce que nous avions annoncé. »

Il est maintenant clair pour nous que Peckham ne subit pas seulement l’influence directe de Bacon ; cette influence, il l’éprouve encore d’une manière indirecte par l’intermédiaire de l’ouvrage anonyme que nous avons étudié.

Cet ouvrage et la Perspectiva communis ne sont pas les seuls écrits du xiiie siècle, composés après le traité De multiplicatione specierum, qui nous parlent de l’expérience de la chambre noire.

Au prochain chapitre, nous verrons qu’un an après la mort de Jean Peckham, en 1292, l’astronome parisien Guillaume de Saint-Cloud recommandait, pour observer sans fatigue les éclipses de soleil, le procédé de la chambre noire ; mais bien des indices nous signaleront par ailleurs, en Guillaume de Saint-Cloud, un disciple de Roger Bacon.

En résumé, donc, les seuls auteurs de la fin du xiiie siècle qui nous parlent de l’expérience de la chambre noire, ce sont Roger Bacon et des physiciens qui, très certainement, ont lu ses ouvrages.

Tous ces physiciens, le disciple anonyme de Bacon, Jean Peckham et Guillaume de Saint-Cloud, connaissent l’emploi qu’on peut faire de la chambre noire pour observer les éclipses de soleil.

Ne sont-ce pas là de fortes présomptions pour attribuer une origine baconienne à ces Canons sur les Tables de Tolède, à la fin desquels l’auteur conseille à Jean d’user d’une chambre noire pour étudier sans fatigue les particularités d’une éclipse solaire ?