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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/530

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L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS


Lors même qu’on rejetterait l’hypothèse sur laquelle repose cette détermination, il resterait que le xiiie siècle courait déjà depuis un certain temps lorsque les Tables de Londres furent composées ; l’auteur, en effet, signale avec beaucoup de précision l’erreur croissante qui affecte le calendrier : « De la naissance du Christ jusqu’aujourd’hui, dit-il[1], les fêtes des saints et les quatre-temps ont rétrogradé de dix jours et plus par rapport aux solstices et aux équinoxes. — Ymo, a nativitate Christi usque nunc, festa sanctorum et 4 tempora et solsticia et equinoctia jam retrogradata sunt per 10 dies et plus. » Or, jusqu’au temps où s’établit l’usage des Tables Alphonsines, les computistes admirent à l’unanimité que les solstices et les équinoxes avançaient, dans le calendrier, d’un jour par cent vingt ans ; pour que l’avance dépassât dix jours, il fallait qu’on fût en plein treizième siècle.

À plus forte raison, les Canons qui citent les Tables de Londres n’ont-ils pu être composés avant qu’une partie du xiiie siècle ne se fût écoulée ; c’est, d’ailleurs, ce que la maturité astronomique de cet ouvrage nous eût permis de soupçonner, à défaut de preuve plus formelle ; c’est donc à tort que la Theorica planetarum est attribuée à Roger de Hereford ; elle est sûrement postérieure à cet auteur.

Cette attribution erronée n’a point dû, cependant, se produire sans raison.

Les ouvrages authentiques de Roger de Hereford désignent simplement celui-ci, nous l’avons vu, par le nom de Magister Rogerus. Ne serait- :! pas vraisemblable, dès lors, que l’auteur de la Theorica planetarum fût également un certain Rogerus, et qu’on eût confondu ce Roger avec le Roger de Hereford dont on possédait déjà plusieurs écrits astronomiques ? Parfois, sans doute, dans les copies de la Theorica planetarum, le nom du Rogerus qui avait composé cet ouvrage était simplement marqué par l’initiale R ou par la syllabe Ro, ce qui permettait de croire que l’auteur portait le nom de Robert ; ainsi advint-il qu’on le prît pour Robert de Northampton.

Mais si les Canons dont nous avons donné l’analyse eurent pour auteur un certain Roger, ce que les considérations précédentes nous paraissent rendre vraisemblable, n’est-ce point une nouvelle et très forte invitation à recevoir la conclusion suggérée par l’étude intrinsèque de ces Canons ? Ne sommes-nous pas tentés, plus vivement encore, de croire que ce Roger n’était autre que Bacon ?

  1. Ms, cit., fol. 67, col. a ; vide supra, p. 235.