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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE


l’Auteur néo-platonicien lui parait soutenir une thèse formellement hérétique lorsqu’il prétend que la terre contient quatre régions habitables et habitées, sans communication possible les unes avec les autres. Comment les habitants des trois régions auxquelles nous ne pouvons parvenir auraient-ils connaissance du Salut ? Trois races d’hommes l’ignoreraient éternellement, alors que, selon l’enseignement de l’Église, le Sauveur est mort pour tous les hommes.

La doctrine à laquelle Manégold fait allusion dans ce passage est une de celles qui frappaient le plus vivement l’attention des lecteurs de Macrobe.

Au Songe de Scipion, Cicéron avait écrit : « Tu vois que les hommes n’habitent, sur la terre, que des régions rares et peu nombreuses, semblables à des taches entre lesquelles s’étendent de vastes espaces déserts. Ainsi, ceux qui habitent la terre sont séparés en groupes tels que, d’un groupe à l’autre, rien ne se puisse transmettre ; les uns occupent une positiou oblique par rapport à la vôtre, d’autres une position transverse, d’autres, enfin, une position diamétralement opposée ».

Macrobe, commentant ce passage, exposait en détail comment, à son avis, le genre humain est répandu à la surface du globe1.

Le froid rend inhabitable les deux calottes polaires ; la chaleur empêche la vie de l’homme dans la zone torride. « Mais entre ces deux calottes extrêmes et cette zone médiane, deux régions, plus grandes l’une et l’autre que les calottes polaires, plus petites que la zone équatoriale, se trouvent tempérées par les deux climats extrêmes auxquels chacune d’elles confine ; c’est seulement dans ces deux régions que la nature a permis à des habitants de jouir d’une atmosphère propre à entretenir la vie…

» Bien qu’aux malheureux mortels, la générosité des dieux ait concédé ces deux zones que nous avons appelées tempérées, elles ne sont pas, toutes deux, habitées par des hommes du même genre que nous. Seule, la zone supérieure… est habitée par des hommes dont le genre nous puisse être connu, Romains, Grecs ou Barbares de toute nation. Quant à l’autre zone, la raison seule nous apprend qu’elle doit être habitée parce que son climat est tempéré comme le nôtre ; mais par quels hommes est-elle habitée, c’est ce qu’il ne nous a jamais été permis, ce qu’il ne nous sera jamais permis de savoir…


1. Theodosii Ambrosii Macrobii Kæ Ciecronc in So/unitirn S’cipionis conttneiitariu, lib. II, cap. V.

    et habilabtli bus rnaculis decepli sint ; et si quis iude Macrobîo crediderit, ii> fide facile pcriclitctui*. Èd. ri !., p. ii4i.