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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — II. LES PHYSICIENS

Buridan. Dans ces deux éditions, faites sous la direction de l’Écossais Georges Lockert, les Subtilissimæ quæstiones in libros de Cælo et Mundo a Magistro Alberto de Saxonia editæ sont moins complètes que dans les autres éditions ; deux questions du second livre, celles qui portent ailleurs les numéros XIV et XIX, y sont omises ; ces questions, fort importantes d’ailleurs, n’ont pas trait aux doctrines astronomiques.

Quel fut donc le parti pris par Albert de Saxe dans les débats divers auxquels donnait lieu la Science des astres ?

Albertutius mentionne la théorie d’Al Bitrogi[1] ; mais l’exposé qu’il en donne, imité de celui qu’Albert le Grand a plusieurs fois présenté, n’est nullement fidèle. Il réduit toutes les suppositions qui soutiennent le système d’Al Bitrogi à cette seule opinion : Chaque sphère planétaire se meut d’Orient en Occident, autour de ses pôles particuliers, plus lentement que la sphère suprême ; d’où l’apparence d’un mouvement propre d’Occident en Orient.

Réduit à ce degré de simplicité, le système d’Al Bitrogi ne saurait rendre compte des particularités que présentent les mouvements des planètes, et Albert de Saxe n’a point de peine à le montrer : « S’il n’y avait entre les mouvements des diverses orbite d’autres différences que des retards variés, Vénus et Mercure devraient se trouver, à certains moments, en opposition avec le Soleil, ce qu’on a jamais vu. Ces planètes sont en conjonction, ou bien elles n’apparaissent que le soir ou le matin. Alfragan affirme que 48° est l’écart maximum de Vénus par rapport au Soleil et 26° l’écart maximum de Mercure. »

Cette objection, et d’autres qu’Albert le Grand avait déjà formulées, suffisent à condamner le système d’Al Bitrogi.

Contre les excentriques et les épicycles, on a fait valoir diverses difficultés ; à celles qu’avait signalées le Commentateur, on en a joint de nouvelles. Albert de Saxe les énumère[2]. Il en est une qui attire particulièrement son attention ; la voici :

Si une planète se meut en un excentrique, elle ne se meut point de mouvement simple ; lorsqu’elle marche vers l’apogée, elle s’éloigne du centre du Monde, elle monte ; lorsqu’elle va de l’apogée au périgée, elle se rapproche du centre du Monde, elle descend ; son mouvement se compose ainsi de deux mouvements simples, une révolution autour du centre du Monde, et un mouvement rectiligne, centripète ou centrifuge.

  1. Alberti de Saxonia Quœstiones in libros de Cælo et Mundo ; in lib. II quæst. XV (apud édd. Venetiis 1492 et 1520) ; quæst. XIV (apud édd. Parisiis 1516 et 1518).
  2. Albert de Saxe, Op. laud., lib. II, quæst. VII.