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L’ASTRONOMIE ITALIENNE

ce ciel ; toutefois, ils s’accordent, tous en ce point, que ces esprits sont aussi nombreux que les mouvements qui se font. Or, selon les meilleures démonstrations des astronomes, qu’on trouve au Libro dell’aggregazione delle stelle déjà cité, ces mouvements sont trois : Le premier, selon lequel l’étoile se meut sur son épicycle ; le second, par lequel l’épicycle se meut, avec tout le ciel, d’un mouvement égal à celui du Soleil ; le troisième, par lequel tout ce ciel se meut, suivant le mouvement de la sphère étoilée, d’Occident en Orient, et d’un degré en cent ans. Ainsi, à ces trois mouvements, correspondent trois moteurs. En outre, tout ce ciel, avec son épicycle, se meut et tourne d’Orient en Occident une fois en chaque jour naturel. Ce mouvement est-il produit par quelque intelligence, ou provient-il de l’entraînement du premier mobile ? Dieu le sait, mais il me semble présomptueux de le juger. »

Dante ne dit donc aucunement que le centre de l’épicycle décrive un cercle excentrique à la Terre ; et à prendre ses paroles au sens strict, on serait amené à conclure que le mouvement du centre de l’épicycle est celui que lui communique la sphère de Vénus tournant autour de ses pôles, donc un mouvement concentrique à la Terre. La description qu’il donne du mouvement d’une planète se réduit à celle qu’en donnaient Adraste d’Aphrodisias, Théon de Smyrne et Chalcidius.

Mais il serait peu sensé de serrer de trop près une description qui n’a d’autre objet que de justifier une allégorie ; le but de Dante était d’énumérer les esprits angéliques qui meuvent le ciel de Vénus et, pour cela, de compter les mouvements de ce ciel ; que le centre de l’épicycle décrive un cercle concentrique ou un cercle excentrique, ce nombre demeure le même ; les astronomes veulent que ce cercle soit excentrique et Dante, qui avait en mains le traité d’Al Fergani, n’a pu l’ignorer ; mais il a négligé d’introduire cette complication qui n’importait aucunement à l’objet de son commentaire.

Au passage que nous venons de citer, nous avons trouvé confirmation de ce qu’un passage précédent nous avait fait supposer ; comme Al Fergani, qui suivait en cela le sentiment de Ptolémée, Dante attribue à la sphère étoilée un mouvement de précession, continuellement dirigé d’Occident en Orient, et d’un degré en cent ans.

Il est encore question de ce mouvement dans un autre chapitre, et ce qui en est dit[1] mérite attention :

  1. Dante Alighieri, Op. laud., tratt. II, cap. XV ; éd. cit., p. 162.

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