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AVERROÈS

cause imparfaite atteint la perfection à laquelle elle tend, où le mouvement parvient à son terme ; pour un corps soumis a la génération et à la corruption, 1 éternité d’un mouvement ne saurait se concevoir. Il n’en est. plus de même lorsque la cause motrice est identique à la cause finale ; les cieux pourront se mouvoir éternellement-

Le moteur dùui orbe, cependant, est une vertu dont la vigueur est finie ; et c’est pourquoi cette vertu meut cet orbe, qui est un corps fini, avec une vitesse Unie, (le n’est point en vigueur, c est seulement en durée, que ce moteur est infini1 ; son infinitude consiste à produire un mouvement éternel. Fini en lui-même, il faut qu’il tienne d’ailleurs cette infinitude’. Il ne la peut évidemment acquérir, si ce n’est par un désir, par une tendance vers un être qui lui soit supérieur. Cet être, premier moteur immobile, ne peut être ni un corps ni une puissance qui subsiste en un corps ; c’est une Intelligence séparée de toute matière cl de tout corps* C’est en connaissant cette Intelligence suprême que le moteur de l’orbe la désire ; de ce désir éternel, provient l’éternité du mouvement. A cause de ce désir, et par homonymie avec l’âme des êtres animés qui sc trouvent sous l’orbe de la Lune, on peut, si Ion veut, donner le nom d’âme 1 à cette forme qui, dans chaque orbe, désire et, par ce désir, meut l’orbe de mouvement local. Mais ne nous trompons pas sur le sens de cette dénomination ; n’allons pas supposer « que les âmes des corps célestes sont des formes dans des matières, des formes qui subsistent en la Matière première et qui reçoivent leur éternité d autres formes immatérielles. Il en résulterait, en effet, (pie ce qui n’a pas une nature propre, par elle-même, à exister éternellement, reçoit l’éternité d’un autre être, ce qui est totalement impossible. La nature susceptible d être engendrée et détruite ne saurait recevoir d’autrui F éternité ; cela est manifeste à qui considère les fondements de la philosophie d’Aristote. » Soutenir le contraire est une erreur « de débutant en Philosophie, inci/jirnlis in PAiZo^opAia. » Tel est le cas qu’Averroès faisait d’Avicenne et de l’Ecole néo-platonicienne arabe.

Revenons à cette Intelligence, objet de désir pour les Ames célestes, qui donne l’éternité au mouvement produit par ces âmes. Averroès en parle en ces termes4 :

1. Averrois Cordubsnstb Op. laucl., cap. III, 2. ÀVEHROlS CORDUBBNSIS CHp. IV.

3. Averrois Cordubensis Op. laud., cap. I. 4. Averrois Gordubbnsis Op. cap. IV.