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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/113

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

dit, l’effet de la seule parole et du seul commandement du Créateur. Cette réunion ne fut pas l’œuvre d’une nouvelle création, mais le transport et la mise en place, dans un lieu nouveau, d’un corps déjà créé, c’est-à-dire des eaux…

» Cette œuvre se conjoint à l’œuvre du jour suivant. Le rassemblement des eaux, la mise à nu de la surface de la terre ont été accomplis en vue de l’œuvre du jour suivant, qui est la fécondation de la terre. En effet, tant que les eaux la recouvraient, la terre ne pouvait donner naissance à des herbes brillantes ni produire de végétation.

» Ainsi la réunion des eaux au lieu où elles se trouvent est une proposition qui dépend en partie de la Science humaine, en partie de la Théologie (Scientia divinalis). »

La pensée de Guillaume d’Auvergne se manifeste avec une clarté parfaite. Selon l’ordre de la nature, la terre devrait être entièrement recouverte par l’eau. Si l’on voit émerger une terre ferme, c’est en vertu d’une opération miraculeuse de Dieu. Ce miracle permanent a eu pour but de préparer et de garder une habitation aux plantes et, après elles, aux animaux.

De cette doctrine, Maître Roger Bacon va exclure le recours au miracle ; il le fera en usant de la théorie qu’il a déjà invoquée dans les circonstances les plus diverses, soit pour rendre compte des mouvements qui empêchent la production d’un espace vide, soit pour expliquer la chute des graves ; au-dessus des natures particulières des éléments, qui les fait graves ou légers et leur assigne les lieux propres que considérait Aristote, il y a une nature universelle ; et, pour le bien général du Monde, cette nature universelle peut imposer aux éléments et aux mixtes des mouvements contraires à ceux que ces corps prendraient en vertu de leur pesanteur ou de leur légèreté.

C’est dans la seconde série de ses Questions sur la Physique d’Aristote, au quatrième livre, que le maître ès arts Roger Bacon traite du lieu naturel des éléments[1]. Cinq questions sont consacrées à cet objet ; en voici les énoncés :

I. Queritur de loco in particulari, et primo queritur de locis elementorum, et primo quid est locus ignis, et primo [utrum] ultimum celi vel ultimum [orbis] lune locus ignis.

II. Queritur quid sit locus aeris, et primo queritur utrum ignis vel orbis ignis sit locus aeris.

  1. Bibliothèque municipale d’Amiens, ms. no 406, fol. 46, col. b, c et d.