Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
10
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

s’opposer à une opinion que suggéraient, au contraire, les explications de Macrobe et de Paul Diacre ; il veut que le flux soit un gonflement sur place éprouvé par les eaux de la mer. Cette pensée lui était certainement dictée par l’Introductorium d’Albumasar[1]. Cet astrologue, d’ailleurs, comparait le gonflement qui produit le flux à un bouillonnement, à une effervescence ; il était naturel que Guillaume d’Auvergne le rapprochât du débordement tumultueux de l’eau hors du vase où elle bout.

L’Évêque de Paris émet une pensée plus originale lorsqu’il compare l’action de la Lune sur les eaux de la mer à l’action de l’aimant sur le fer ; des effets physiques alors connus, il n’en est aucun dont l’analogie fut plus étroite ; nul, d’ailleurs, avant Guillaume, n’avait invoqué cette analogie[2].

Cette comparaison, d’ailleurs, n’est pas venue comme par hasard sous la plume de notre auteur. Il y est naturellement conduit par la méthode dont il use pour expliquer l’influence des astres sur les choses d’ici-bas, méthode que nous l’avons entendu définir en ces termes[3] :

« Afin que je vous donne l’exposé complet des principes relatifs aux jugements astronomiques, voici ce que je vous dirai par un bref discours : Ce qui semble le plus probable touchant les vertus et effets des étoiles et des astres, on le déduit des opérations qu’exercent les vertus des autres choses telles que les animaux, leurs diverses parties, les herbes, les médecines, les pierres précieuses ; les vertus de ces choses sont comme leurs aspects et manières d’être à l’égard des autres choses. »

Parmi ces vertus ou aspects, l’action que l’aimant exerce sur le fer avait tout particulièrement retenu l’attention de l’Évêque de Paris.

La comparaison de l’action de la Lune sur les eaux de la mer à celle que l’aimant exerce sur le fer n’était peut-être pas fort aisée à mettre d’accord avec celle qui voit dans le flux une sorte d’ébullition de l’Océan ; cette dernière explication se concilie moins aisément encore avec celle qui invoque le pouvoir

1. Voir : Première partie, ch. XIII, § XIV ; t. II, p. 379.

2. Voir, à ce sujet : Roberto Almagia, La doltrina délia marea nell’anlîchità classica e nel medio evo (Memoiïe délia Lleale Accademia dei Lincei, Sérié 5°, Classe di Scienze flsiche, matematiche e uaturaii, vol. V, 1905, p. 455).

3. Guillelmi Parisiensis De Universo primæ partis principalis pars I (Guillelmi Parisiensis Opera, éd. 1516. tract. III, cap. XXXI ; t. II, fol. cxxii, col. d.)

  1. 1
  2. 2
  3. 3