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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/130

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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

poins don compas, qui toz jors est au milieu de son cercle, si que il ne s’esloigne pas d’une part, plus que d’autre. Et por ce est il nécessaire chose que la terre soit reonde ; car se ele fust d’autre forme, jà seroit ele plus près dou ciel et dou firmament en I leu que en I autre, et ne puet estre ; car se il fust chose possible que on poist caver la terre et faire I puis qui alast d’outre en outre, et par ce puis gitast on une grandisme pierre ou autre chose pesant, je di que cele pierre ne s’en iroit pas outre, ainz se tendroit tozjors au milieu de la terre, ce est sus le point don compas de la terre, si que ele n’iroit ne avant ne arrière, porce que li airs qui environne la terre entreroit par le pertuis d’une part et d’autre, et ne sofferoit pas que ele alast outre le milieu ne que ele retornast arrière, ce ne fust I po par la force du cheoir, et maintenant revendroit à son milieu, autressi comme une pierre quand elle est gîtée en l’air contremont. Et d’autre part, toutes choses se traient et vont tozjors au plus bas, et la plus basse chose et la plus parfonde qui soit au monde est li poins de la terre, ce est li milieu dedans, qui est apelez abismes, là où enfers est assis. Et tant comme la chose est plus pesanz, tant se tire plus ele vers abisme. Et por ce avient il que qui plus cave la terre eu parfont, tozjors la trueve plus grief et plus pesant. »

Moins grave que la terre, l’eau doit avoir son siège au-dessus de la terre ; la mer est donc plus élevée que les continents ; on comprend ainsi comment l’eau des sources, qui est venue de la mer en suivant les innombrables canaux dont la terre est creusée, peut jaillir même près du sommet des montagnes les plus élevées.

« Sur la terre[1], de cui li contes a tenu lonc parlement, est assise l’aigue, ce est la mer greignor[2] qui est apelée la mer Océane, de cui toutes les autres mers et bras de mers, et flueves et fontaines qui sont parmi la terre, issent et naissent premièrement, et là même retornent il à la fin.

» Raison comment : La terre est toute pertuisie dedans et pleine de vaines et de cavernes par quoi les aigues, qui de la mer issent, vont et viennent parmi la terre, et dedanz et dehors sourdent, selonc ce que les vaines les mainent çà et là ; autressi comme li sangs de l’ome qui s’espant par ses vaines, si que il encherche tout le cors amont et aval.

  1. Brunetto Latini, loc. cit. ; éd. cit. 115.
  2. Greignor = la plus grande.