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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/149

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE


IX
ANDALO DI NEGRO


Dans les considérations de Gilles de Rome, nous trouverions fort peu d’erreurs à reprendre si cet auteur n’avait attribué à l’eau une masse si considérable ; son opinion à cet égard n’avait, d’ailleurs, rien de singulier ; la plupart de ses contemporains et de ses successeurs immédiats s’accordaient à déclarer que l’eau occupe un volume plus considérable que la terre. À notre connaissance, un seul physicien, au début du xive siècle, le génois Andalò Di Negro, a eu l’heureuse pensée de réduire cette place qu’on laissait à l’eau dans le système des éléments ; ajoutons que pour défendre cette heureuse pensée, il proposait un raisonnement faussé par un cercle vicieux.

La pesanteur de la terre la maintient au centre de toutes les sphères célestes[1]. La sphère terrestre a pour centre le centre du Monde.

Par rapport à cette sphère terrestre, comment la sphère de l’eau est-elle disposée ?

« J’ai dit, écrit notre auteur[2], que la sphère de la terre n’était pas la même que la sphère de l’eau. À ce sujet, toutefois, il y a des opinions multiples et variées.

» Certains ont pensé que la sphère de l’eau était excentrique à la sphère terrestre, qu’elles n’avaient point même centre et que du côté opposé au centre de l’eau par rapport au centre de la terre, la terre s’élevait au-dessus de l’eau.

» D’autres ont dit que la chaleur solaire avait mis en mouvement les vapeurs contenues dans le sein de la terre ; que ces vapeurs avaient produit des soulèvements à la surface de la terre ; qu’il en était résulté une bosse s’étendant jusqu’au-dessus des eaux où elle se montre à découvert. »

Ce sont, on le voit, les deux opinions de Ristoro d’Arezzo et de Gilles de Rome qu’Andalò Di Negro mentionne pour les rejeter et leur substituer celle qu’il croit vraie ; cette dernière, il la définit de la manière suivante :

  1. Tractatus spere secundum magnificum militem et dominum Andalonum ; cap. VI : De demonstratione quod terra sit in medio omnium sperarum. Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no  7.372, fol. 2, col. d, à fol. 3, col. b.
  2. Andalo di Negro, Op. laud., cap. III : De opinionibus ipsius aquæ ; ms. cit., fol. 2, col. a et b.