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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/15

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Peut-être dira-t-on que cela provient de la vertu du Soleil et de l’opération qu’accomplissent la chaleur et la lumière de cet astre ; en effet, lorsque la Lune est à sa plus grande distance du Soleil, la vertu solaire opère librement ; les dégagements de vapeur sont, par là, plus abondants et plus forts et, partant, il en est de même de l’ébullition et de l’augmentation de la mer. La vertu solaire renforce également, dans les animaux et dans les plantes, les vertus vitales et les vertus nutritives ; les matières nutritives se trouvent donc accrues chez ces êtres vivants, et, par conséquent, les vapeurs deviennent plus abondantes dans la cervelle des animaux et dans la moelle des végétaux ; aussi le cerveau de l’homme ou des animaux entrerait-il alors en ébullition si une fracture du crâne livrait passage à cette ébullition ; peut-être ne serait-ce point que le cerveau eut éprouvé un accroissement de substance, mais seulement parce que des vapeurs sont adjointes et mêlées au cerveau ; en s’exhalant, ces vapeurs, par leur ascension, forceraient une partie du cerveau à sortir avec elles. Tout cela semble l’effet d’une multiplication de chaleur plutôt que d’un froid plus intense ; le froid, en effet, produit de préférence resserrement et diminution ; par lui-même, il détermine la résolution [des vapeurs en liquides] et la coagulation, qui, sans aucun doute, sont contraires à la résolution [des liquides en vapeurs] et à la liquéfaction. »

Au travers de ce dernier paragraphe, on voit passer l’ombre d’une grande vérité qui est celle-ci : Si l’action de la Lune explique la période diurne de la marée, c’est l’action du Soleil qui en explique la période mensuelle. Mais comme cette ombre est fugitive et vague ! Que d’incertitudes et d’erreurs empêchent de l’apercevoir !

« De toute façon, écrit fort justement M. R. Almagià[1], il résulte de ce qui vient d’être dit que pour Guillaume d’Auvergne, comme pour maint auteur arabe, la période mensuelle va d’un maximum qui a lieu à la pleine lune à un minimum coïncidant avec la nouvelle lune ; c’est une période simple, et non pas une période double. Mais une autre observation découle également de toute l’exposition de notre auteur ; jamais, probablement, il n’a observé le phénomène dans la nature ; il discourt, pour ainsi dire, d’une manière abstraite et se montre indifférent à telle ou telle explication. »

  1. R. Almagia, loc. cit., p. 450.