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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/155

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

en réalité, qu’un compilateur ; il n’a point accordé les unes avec les autres les diverses explications de la persistance de la terre ferme qui avaient été données avant lui ; il s’est contenté de les rapporter, presque sans omission, mais sans aucun choix. Il semble bien, toutefois, que la dernière théorie qu’il expose, par le rang qu’il lui assigne comme par les développements qu’il lui consacre, se montre celle à laquelle vont ses préférences.

Voyons donc ce que le célèbre Médecin padouan va dire de la nature universelle en cette quinzième différence à laquelle il nous renvoie[1] :

« Remarquez qu’il y a deux natures, la nature universelle et la nature particulière.

» La nature universelle, c’est une vertu céleste qui fixe et imprime son effet dans les êtres inférieurs ; elle adhère fermement à la voie unique et à l’ordre indiqués par le mouvement de celui qui cause toute bonté et toute perfection dans les choses d’ici-bas. Aussi est-il dit au second livre Des jours critiques, chapitre second[2] : Tout ce qui est bon et beau, tout ce qui est fortement attaché à l’ordre et à la voie uniques, tout ce qui montre en soi le vestige de la sagesse, tout cela ne peut provenir que d’en haut.

» La nature particulière, c’est l’impression marquée dans les choses d’ici-bas par le sceau de la première nature, de la nature universelle. La nature particulière, en effet, est régie et gouvernée par la nature universelle.

» La nature particulière, à son tour, est de deux sortes ; l’une se trouve tout en bas ; l’autre est intermédiaire entre celle-ci et la nature universelle. De cette dernière sorte est la nature des êtres vivants qui est plus ou moins bien ordonnée selon qu’elle est plus ou moins rapprochée de cette nature supérieure ; en sorte que la nature humaine, qui en est la plus voisine, est aussi la mieux ordonnée.

» Les natures particulières qui sont tout en bas, ce sont les natures des éléments ; à force d’être distantes de la première nature, elles lui sont presque opposées ; parce qu’elles sont plus proches de la matière première, plus voisines des éléments, elles adhèrent moins à l’ordre et à la voie uniques.

» Voilà ce qui fait que beaucoup de choses sont contraires à la nature particulière, mais non pas à la nature universelle,

  1. Petri Aponensis Op. laud., diff. XV.
  2. Voir : Première Partie, ch. XIII, § XIII ; t. II, p. 366.