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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

comme selon l’ordre de la situation, le corps suprême parmi tous les corps physiques, il est nécessaire qu’aux distances diverses comptées à partir de cet orbe, correspondent des degrés différents de nature ; aussi voyons-nous qu’un corps lui est d’autant plus voisin qu’il a une plus noble nature, qu’il en est d’autant plus éloigné que sa nature est moins noble… À une distance déterminée à partir du premier contenant correspond immédiatement, une certaine parenté de nature (connaturalitas) ; cette parenté est le fondement de l’ordre auquel telle nature déterminée a droit dans l’Univers.

» De tous les corps qui se trouvent dans la sphère des choses sujettes à l’action et à la passion, le feu est, par sa nature, celui qui est le plus voisin du premier contenant ; il a donc droit, dans l’Univers, à un ordre fondé sur cette parenté de nature qui résulte de la plus grande proximité possible à l’égard du corps céleste ; or cette parenté de nature avec le feu, c’est dans la surface concave de l’orbe de la Lune qu’elle se rencontre en premier lieu ; voilà pourquoi le feu se range immédiatement dans cette surface comme en son lieu propre…

» Bien que la surface concave de l’orbe de la Lune et la surface convexe du feu aient des natures différentes, il y a cependant, entre elles, une parenté de nature, parenté qui correspond au feu ; il en résulte qu’elles s’accordent aussi pour jouer le rôle de corps logeant [et de corps logé]… La parenté de nature qui est requise pour jouer le rôle de corps logeant consiste surtout en une vertu propre à contenir et à conserver la nature ignée.

» Cette vertu, qui provient de l’orbe supérieur, s’affaiblit au fur et à mesure qu’augmente la distance à cet orbe. Aussi la parenté de nature dont nous venons de parler s’étend-elle jusqu’à une certaine distance de l’orbe. Brusquement, alors, elle est remplacée par une parenté de nature avec l’air, parenté qui se rencontre, tout d’abord, dans la surface concave du feu. Aussi dit-on que l’air se loge immédiatement dans cette surface comme en son lieu naturel. Mais ce lieu naturel, ce n’est pas la surface pure et simple ; c’est la surface considérée comme munie d’une vertu propre à contenir et à conserver une certaine nature, vertu qui provient de l’orbe.

» De la même manière, la parenté naturelle avec l’air s’étend jusqu’à une certaine distance du premier contenant. Tout aussitôt après, commence la parenté naturelle avec l’eau, Puis vient la parenté naturelle avec la terre, »