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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/168

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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

Très logiquement, notre auteur pose d’abord les trois propositions sur lesquelles s’appuiera sa déduction :

« Les propositions suivantes doivent être reçues comme véritables :

» Les quatre éléments sont joints les uns aux autres par une proportion continue.

» Les quatre éléments occupent ou devraient naturellement occuper en son entier la sphère des choses corruptibles.

» Le rayon de la sphère entière des choses corruptibles contient trente-trois fois le demi-diamètre de la sphère terrestre, plus le quart de ce dernier diamètre, plus un vingtième de ce diamètre. Cela se voit par Alfragan dans sa XXIe différence. »

Si l’on désigne par le rapport du volume d’un élément au volume de l’élément qui se trouve au-dessous de lui, par le rapport entre la distance de la Lune au centre du Monde et le rayon terrestre, x est déterminé par l’équation

Bien entendu, Bradwardine ne donne pas la solution algébrique de cette équation ; il se contente de la résoudre par tâtonnements ; cependant, il n’en a pas fallu davantage pour lui valoir, au Moyen-Âge, un grand renom de mathématicien.

Ne quittons pas Bradwardine sans citer un passage de son Tractatus de continuo ; de ce traité, Maximilian Curtze a donné la description et l’analyse[1].

Après avoir montré qu’une même corde soustend, en des circonférences inégales, des arcs inégaux, et qu’à la plus grande circonférence correspond le plus petit arc, Bradwardine ajoute :

« Lorsqu’un liquide continu se trouve contenu dans un vase, il abandonne les extrêmes bords du vase, qu’il laisse à sec, et, dans le vase demi-plein, il forme une intumescence au-dessus du diamètre du vase. Si l’on élève alors ce vase demi-plein, il devient plus plein, puis tout-à-fait plein et de surface convexe vers le haut… En descendant, il devient moins plein. »

Maximilian Curtze a vu, dans ce passage, une allusion aux effets de la capillarité ; c’était n’y rien comprendre ; l’auteur songe à la figure sphérique, concentrique au Monde, que prend la surface d’un liquide, et il en tire la conséquence quelque peu surprenante qui ravissait déjà Roger Bacon.

  1. Maximilian Curtze, Ueber die Handschrift R. 4o 2, Problematum Euclidis explicatio, der Könige. Gymnasialbibliothek zu Thorn (Zeitschrift für Mathematik und Physik, XIII ter Jahrgang, 1868 ; Supplément, p. 85).