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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

« Certains disent que la terre a présenté certaines parties concaves propres à recevoir les eaux lorsqu’elles ont délaissé, en s’écoulant, les parties aujourd’hui découvertes de la terre. Mais il ne paraît pas que cet avis se puisse soutenir. L’élément de l’eau, en effet, est beaucoup plus rare que la terre, de même que l’air est beaucoup plus rare que l’eau ; le témoignage des sens nous le montre avec évidence ; une petite quantité d’eau, réduite en vapeur par l’œuvre du feu, produit un volume d’air beaucoup plus grand. Aussi certains philosophes disent-ils que l’élément de l’eau est dix fois plus volumineux que l’élément terrestre, et que, de même, l’élément de l’air excède de beaucoup en grandeur l’élément de l’eau. Cela se manifeste assez clairement à qui considère les lieux propres des éléments ; plus ils s’éloignent du centre pour s’approcher de la circonférence, plus grande est leur capacité. La terre n’est donc pas assez volumineuse pour recevoir dans ses parties concaves une quantité d’eau aussi considérable que celle dont était couvert le continent habitable ; celui-ci, en effet, au dire des astronomes, occupe à peu près le quart de la surface terrestre tout entière. »

D’autres prétendent donc qu’avant sa réunion, l’élément aqueux avait la forme de nuées ; en se condensant, ces nuées ont pris un volume beaucoup moindre et les parties concaves de la surface terrestre se sont trouvées assez grandes pour recevoir l’eau liquide. D’autres affirment qu’au sein des mers où elle est réunie, l’eau s’élève, sous forme d’éminences et de montagnes, beaucoup plus haut que la terre. Ces explications ne satisfont pas Paul de Burgos qui, « sauf, bien entendu, meilleur jugement », présente la théorie qu’il croit juste.

« Il faut, tout d’abord, observer ceci : Au dire des astronomes et des philosophes, la terre se trouve au milieu de l’Univers qui est son centre ; elle a une figure ronde ou sphérique dont le centre coïncide avec le centre de l’Univers ; c’est démontré en Astronomie et en Philosophie. De même et pour la même raison, l’élément de l’eau, lors de sa première production, avait, par sa nature même, une figure ronde ou sphérique dont le centre coïncidait avec le centre de la terre ou de l’Univers.

» Mais il fallait qu’en certaines de ses parties, la terre ne fût pas couverte par les eaux ; c’était nécessaire en vue d’une fin, en vue de l’habitation des êtres animés. Or la Sagesse divine, qui a disposé toutes choses avec harmonie, a voulu que l’élément de l’eau, tout en gardant sa rondeur naturelle, eût