Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
175
L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — II

« Les quatre éléments, dit Nicolas Bonet[1], ont des lieux qui sont absolument déterminés et immobiles, aussi bien par en haut que-par en bas.

» Premier exemple, le feu élémentaire… Lors même que, par impossible, l’orbe de la Lune serait totalement anéanti, le feu, cependant, ne monterait jamais au-delà du lieu qu’il occupe maintenant ; il a, en effet, un lieu par en haut (locus sursum) qu’il ne peut jamais dépasser en montant ; ainsi la surface purement imaginée qui embrasse la couche sphérique ultime de la sphère du feu est immobile ; elle est, par en haut, le lieu immobile du feu.

» L’air a, lui aussi, son lieu immobile ; c’est la concavité de la sphère du feu ; il ne peut monter naturellement au-delà de cette surface ; quand bien même on anéantirait toute la sphère du feu, l’air ne monterait pas au-delà de cette surface imaginée.

» On en peut dire autant de la surface ultime de l’eau qui est la concavité de la sphère de l’air et qui est le lieu immobile de l’eau ; on en peut dire autant de la terre à l’égard de l’eau.

» Il est également manifeste que chacun des éléments a son lieu immobile par en bas (secundum inferius).

» Exemple : La terre dont le centre [du Monde] est le lieu ultime et immobile au-delà duquel elle ne se meut point. Admettons, par impossible si ce n’est possible, que la terre soit percée d’outre en outre suivant un diamètre passant par le centre ; si une pierre, placée au sein de l’air, tombait dans ce trou, elle ne descendrait jamais que jusqu’au centre ; là elle s’arrêterait et demeurerait en repos ; elle ne se mouvrait pas au-delà, à moins que ce ne soit par violence, parce que le centre est le lieu immobile auquel elle tend…

» Il est également évident que l’élément de l’eau a un terme, une borne, un lieu, qui est absolument immobile dans l’Univers, qui lui est assigné par la nature, au-delà duquel il ne se meut pas naturellement ; cette limite, c’est la surface ultime de la terre. En effet, l’eau est grave et, par conséquent, se meut vers le bas ; toutefois, elle ne se meut pas vers le bas purement et simplement jusqu’au centre, mais seulement jusqu’à un certain lieu déterminé par la nature, c’est-à-dire jusqu’à la partie ultime du lieu naturel de la terre.

  1. sc|Nicolai Boneti Physica, lib. VIII, cap. XII ; Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 6.678, fol. 182, ro et vo ; ms. no 16.132, fol. 144, col. b. et c.