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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/194

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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — II

blable au point qu’on peut imaginer sur une ligne. Le centre ou milieu du Monde est une chose qui a une certaine grandeur, qui est longue, large et profonde ; c’est, par exemple, toute la terre ou une partie possédant un certain volume (pars quantitativa) de cette même terre. Le lieu inférieur, le lieu le plus bas, ce n’est pas le centre [indivisible] du Monde ; bien plutôt, ce lieu contient ce centre [indivisible] du Monde. Un homme qui tombe n’a pas inclination, ne se dirige pas vers le centre indivisible du Monde. Bien plus ! S’il n’y avait aucun corps grave à l’endroit vers lequel tombe cet homme, s’il y avait seulement de l’air là où se trouvent actuellement la terre et l’eau, cet homme aurait inclination et tendance à devenir [en son entier] milieu du Monde ; c’est à cela, et à cela seulement, que ses diverses parties auraient toutes ensemble inclination et tendance, à savoir que [le corps entier de] cet homme devînt le milieu du Monde ; en cela, les parties ne se gêneraient aucunement l’une l’autre.

» D’ailleurs, cet homme, pris en son ensemble, se mouvrait beaucoup plus rapidement que ne se mouvrait une de ses parties prise isolément ; bien loin donc que ses diverses parties s’empêchent et se retardent l’une l’autre, elle se rendent mutuellement plus vives et plus vites.

» De même, en une grande masse d’eau continue, une partie n’aspire pas à descendre au-dessous d’une autre partie, si elles ont toutes deux même degré de pesanteur ou de légèreté. Voilà pourquoi un marin qui descend au fond de la mer ne sent pas la pesanteur de l’eau, bien qu’il en ait sur les épaules cent tonnes ou mille tonnes ; cette eau, en effet, qui se trouve au-dessus de lui, ne tend pas à descendre davantage. Elle aurait, au contraire, une semblable inclination par rapport à l’air, si cet air se trouvait au-dessous d’elle.

» Lors même que cette masse d’eau ne se trouverait pas en son lieu naturel, qu’elle serait fort élevée en un vase placé en un sommet terrestre, une partie de cette eau ne tendrait pas davantage à se placer au-dessous d’une autre partie. Supposons, en effet, qu’en un tel lieu, un homme se trouve dans un bain et que sa jambe soit au fond de ce bain, surmontée d’une quantité d’eau que, dans l’air, cet homme ne pourrait porter ; l’homme, cependant, ne sentirait pas le poids de cette eau, car cette eau n’aurait aucune inclination à se placer au-dessous de l’eau qui l’entoure ou qui lui est sous-jacente. » J’en dis autant de la terre tout entière, qui est le centre du