Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
17
LA THÉORIE DES MARÉES

d’Alpatiatius (sic) ; il a voulu parler en physicien, mais il s’est trompé, et il a entraîné dans son erreur nombre d’autres qui l’ont suivi. »

Si l’on omet cette remarque, on est forcé d’avouer que la pensée d’Albert le Grand au sujet des marées n’a point grande originalité ; elle se borne à reproduire ou à développer ce qu’avaient dit Abou Masar et Guillaume d’Auvergne ; Albert, cependant, entendait bien faire autre œuvre, et plus noble que celle de compilateur ; des théories proposées par ses devanciers, il souhaitait de donner une synthèse.

Ni Barthélemy l’Anglais ni Vincent de Beauvais n’ont de si hautes visées ; ils ne sont que compilateurs et ils l’avouent ; ils font une mosaïque de fragments empruntés à divers auteurs qu’ils ont soin de citer.

Voici ce que dit Barthélemy dans son traité Des propriétés des choses[1] :

« La Lune est cause d’augmentation pour toutes les choses humides ; en effet, c’est par des aspirations occultes de sa nature que le flux est augmenté ; pendant qu’elle décroît, la moelle diminue dans les os, la cervelle dans la tête et les humeurs dans les corps ; lorsqu’elle croît, au contraire, ces choses se multiplient. Aussi Martianus dit-il que tout souffre avec elle lorsqu’elle vient à disparaître, et que sa décroissance est le détriment des choses d’ici-bas.

» La Lune a pouvoir d’attirer les eaux de la mer ; de même, en effet, que l’aimant tire le fer après lui, la Lune meut et tire F Océan après elle. Aussi, au moment du lever de la Lune, la mer se gonfle-t-elle et croît-elle du côté de l’Orient, tandis qu’elle décroît du côté de l’Occident. Inversement, quand elle est à son coucher, la mer croît du côté de l’Occident et décroît du côté de l’Orient. »

Notre auteur, fort mal renseigné, croit donc qu’en un jour lunaire, et en un même lieu, on observe un seul flux et un seul reflux.

« Selon que l’éclairement de la Lune est plus ou moins parfait, poursuit-il, la mer s’étend plus ou moins par son flux et se retire plus ou moins, comme le dit Martianus, et aussi Macrobe au livre de Cicéron. »

Selon ce principe que’Barthélemy attribue gratuitement à

1. Bahtholomæi Anglici De proprietatibus rerum, liber VIII, cap. XXIX : De Luna.

  1. 1