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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/205

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

tage. Elle aurait, au contraire, une semblable inclination par rapport à l’air, si cet air se trouvait au-dessous d’elle. »

L’eau qui se trouve à la surface de la terre, étant moins grave que cette terre, ne tend pas à se placer plus bas qu’elle ; celle-ci n’éprouve donc aucune pression de la part de l’eau qui la surmonte ; elle ne sent pas plus le poids de l’eau qu’elle porte que le plongeur ne sent le poids de l’eau qui repose sur ses épaules.

Ils sont donc bien chargés d’erreurs les principes de Statique et d’Hydrostatique à l’aide desquels Jean Buridan prétend expliquer l’équilibre de la terre et des mers ; sa théorie est bien w loin de celle qu’une Mécanique exacte, fondée sur l’hypothèse de la gravité universelle, nous permet aujourd’hui d’ébaucher ; elle s’en rapproché, cependant, en ce qu’elle est une théorie mécanique ; par là, elle est beaucoup plus voisine de nos doctrines modernes que des doctrines aùxquelles elle vient de se substituer, que des explications qui recouraient à l’intervention miraculeuse de Dieu, à l’organisation finaliste de la nature universelle ou à l’influence des astres ; les théorèmes particuliers de Mécanique dont usait Jean Buridan sont aujourd’hui rejetés ; mais la pensée essentielle qui l’inspirait est celle qui nous dirige encore.


V
L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS SELON NICOLE ORESME


De la théorie qui veut, par les lois de la Statique, rendre compte de l’équilibre de la terre et des mers, Jean Buridan est-il le créateur ? Ou bien, en l’adoptant, après en avoir, dans sa Physique, combattu les idées essentielles, n’a-t-il fait que recevoir l’opinion proposée par quelque autre mécanicien ? Nous l’ignorons. Tout ce que nous pouvons dire c’est que, de son temps, cette extension de la doctrine professée par Alexandre d’Aphrodisias fait son apparition à l’Université de Paris et, tout aussitôt, ravit tous les suffrages.

Parmi les maîtres qui enseignaient à la même époque que Jean Buridan, Nicole Oresme était, peut-être, le plus éminent. Or, à la théorie de l’équilibre de la terre et des mers que nous venons d’exposer, Nicole Oresme, à plusieurs reprises, accorde une adhésion formelle.