Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
210
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Au premier, je respon et di que le lieu est dit de deux choses. Une est ce qui contient un corps et est équal à tel corps, aucunement si comme il appert ou quart de Phisique. Et en ceste manière, un tonneau, selon sa concavité, est le lieu du vin qui est dedens et l’eau est en partie lieu de la terre.

» Mes autrement, lieu est selon quoy un corps est dit estre bien à point assis en son propre lieu naturel. Et en ceste manière, le centre du Monde est le lieu de la terre et de toute la masse des choses pesantes, car telle masse est là où elle doit estre et en son propre lieu naturel par ce que le centre de sa pesanteur est en milieu du Monde, et que tel centre et le centre du Monde sont un meisme point, combien que ceste masse soit ou fust environnée et contenue de eaue ou de air ou de tous II.

» Au second, je dis que plusieurs corps qui ne sont parties d’un corps ou partie un de l’autre ne peuvent estre en un lieu qui soit propre à chascun d’eulz meismement, à prendre lieu en la première manière, pour la chose qui contient.

» Mes plusieurs corps, dont l’un est tout et les autres sont parties de lui, ont un mesme lieu, si comme il appert ou quart de Phisique.

» Et meismement à prendre lieu en la seconde manière. Et selon ce, non pas seulement les parties de terre qui est élément, mes toutes choses pesantes tendent à un lieu, tellement et afin qu’elles soient conjointes et uniées à toute la masse de la pesanteur, de laquelle le centre du Monde soit milieu et centre. »

Ce passage d’Oresme achèverait d’éclaircir, s’il en était besoin, le sens dans lequel doit être prise cette proposition d’Albert de Saxe[1] : « Un grave est naturellement situé lorsque son centre de gravité est le centre du Monde. — Tune gravia naturaliter sunt situata cum centra suarum gravitatum sunt medium Mundi. »

Ces considérations nous préparent tout naturellement à recevoir la théorie de l’équilibre de la terre, telle qu’Alexandre d’Aphrodisias l’avait proposée, telle que Buridan et Oresme l’ont reprise. Voici comment Albert de Saxe présente cette théorie[2] :

« Ici, il convient de poser deux distinctions dont voici la première : Il y a deux points qui peuvent être nommés milieux

  1. sc|Albert de Saxe, loc. cit.
  2. sc|Albert de Saxe, loc. cit.