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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/215

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

chaient une autre raison, qui prétendaient y reconnaître une propriété essentielle de la forme substantielle de Beau et qui, pour le prouver, citaient la figure des gouttes de rosée.

De cette théorie, c’est à la Sphère de Joannes de Sacro-Bosco que notre auteur, semble-t-il, empruntait l’énoncé que voici[1] :

« En un corps homogène, le tout doit avoir la même figure que les parties ; sinon ce ne serait point un homogène ; mais les particules de l’eau semblent tendre vers la sphéricité, comme le montrent les gouttes de rosée ou de pluie ; la masse totale de l’eau, elle aussi, doit donc être sphérique. »

À cette opinion, Albert de Saxe, à l’imitation d’Albert le Grand, répond :

« Au sujet de la figure sphérique des gouttes d’eau, je dis que ce n’est point une conséquence de la forme substantielle de l’eau ; elle résulte plutôt de la fuite des contraires, car cette figure sphérique est celle où les diverses parties se trouvent le plus étroitement unies, où elles peuvent le mieux résister à une cause de destruction ; aussi n’importe quelle masse tend-elle à prendre cette figure, pourvu qu’elle n’en soit pas empêchée par quelque autre cause, comme la dureté ou la pesanteur. Cette tendance se remarque surtout lorsque le corps est en petite quantité. Elle ne convient pas seulement à l’eau, mais à tous les liquides, comme on le voit avec le vif argent. »

La pesanteur et la fluidité expliquent donc la disposition que l’eau prend à l’égard du centre du Monde ; mais comment se place, à l’égard de ce centre, l’ensemble de la terre et des mers ? Albert nous a enseigné qu’un agrégat de graves quelconques était naturellement situé, lorsque le centre de gravité de cet ensemble résidait au centre du Monde. N’en devons-nous pas conclure que la terre et les mers se doivent disposer de telle façon que ces deux conditions soient vérifiées :

En premier lieu, la surface des mers est une surface sphérique concentrique au Monde.

En second lieu, le centre de gravité de l’ensemble de la terre et des mers coïncide avec le centre du Monde.

Qu’à une certaine époque, une telle doctrine ait paru vraisemblable à Maître Albert de Saxe, nous en avons pour preuve une phrase de ses Questions sur la Physique. Après avoir enseigné[2] qu’une masse de terre « descendrait jusqu’à ce que le

1. Alberti de Saxonia Quæstiones in libros de Cælo et Mundo, lib. III, quæst. ultima.

2. Alberti de Saxonia Quæstiones in libros Physicorum, lib. IV, quæst. V.

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