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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/224

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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — II

que l’eau descendît vers la mer plutôt que dans la direction opposée. Au moment où elle entre dans la mer, cette eau ne saurait s’éloigner naturellement du centre du Monde. Ainsi la surface de la mer est donc plus proche du centre du Monde que ne l’est, ici, la surface de la terre…

» Ce serait chicane sans valeur que de dire : Par la force du ciel, l’eau de la mer est plus élevée que la terre ; le ciel possède une vertu spéciale par laquelle, en ces lieux-ci, il conserve la terre sèche, par laquelle il ne permet pas à l’eau de la mer de la recouvrir, et cela, comme le dit l’Auteur de la Sphère [Joannes de Sacro-Bosco], en vue de la génération des animaux.

» Une telle affirmation irait tout aussitôt à l’encontre de la démonstration qu’Aristote donne, au second livre du Traité du ciel, lorsqu’il prouve que l’eau est sphérique ; cette démonstration ne serait plus conséquente ; on lui objecterait que le ciel soulève une partie de l’eau au-dessus de l’autre, en sorte qu’il ne serait plus indispensable qu’elle soit sphérique.

» Prenez, d’ailleurs, une partie de cette eau que vous dites soulevée par le ciel ; élevez-là en l’air, puis laissez-là tomber ; elle va tomber tout droit, comme tomberait l’eau qui se trouve en ces lieux-ci… Il n’est donc pas vrai que la force du ciel soulève de la sorte les parties de l’eau. »

« Il fut une opinion[1]… au gré de laquelle la terre et la mer étaient toutes deux excentriques au Monde ; c’est pour cette raison, pensait-on, qu’une partie de la terre n’est pas couverte par l’eau ; on admettait, d’ailleurs, que l’une et l’autre étaient sphériques…

» Cette opinion se peut réfuter mathématiquement ; il en résulterait, en effet, que la terre ferme serait de figure circulaire ; or, selon tous les astronomes, cette conséquence est fausse. » Contre la même théorie, la Quæstio de duobus elementis, attribuée à Dante Alighieri, avait déjà fait valoir le même argument[2].

On peut encore, contre elle, invoquer cette preuve[3] : « Dans une éclipse de Lune, l’ombre de la terre et de l’eau prises ensemble paraît ronde ; l’eau n’est donc pas plus élevée que la terre, sinon l’ombre ne paraîtrait pas ronde et circulaire. »

Désormais, notre météorologiste est débarrassé des anciennes théories sur la figure de la terre et des mers ; il va pouvoir présenter la théorie qu’il croit exacte.

1. Themonis Judæi Op. laud., lib. II, quæst. I.

2. Vide supra, p. 158-159.

3. Themonis Judæi Op. laud., lib. I, quæst, VI.

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