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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/228

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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — II

Voilà donc clairement posé le principe de Mécanique, dont se réclame la théorie parisienne de l’équilibre de la terre. Écoutons ce que Marsile va nous dire de cet équilibre.

Il nous en parlera dans la question[1] où il examine ce problème : « L’eau est-elle le lieu naturel de la terre ? »

Après avoir rapporté, à peu près dans les mêmes termes qu’Albert de Saxe, les diverses objections qu’on peut dresser contre cette proposition : L’eau est le lieu naturel de la terre, Marsile remarque que la difficulté de la question provient de ce qu’on n’a point répondu à celle-ci : Pourquoi la terre est-elle en partie couverte d’eau et en partie découverte ?

Il cite alors plusieurs réponses qu’il rejette.

Certains, par exemple, prétendent qu’il existe une terre ferme pour le salut des animaux qui ne peuvent vivre sous l’eau. « Cette réponse assigne une cause finale et non point une cause efficiente… Or c’est une cause efficiente que nous cherchons, et là gît la difficulté.

» D’autres répondent que la terre et l’eau sont deux sphères qui se coupent, car elles n’ont point même centre ; du côté qui n’est pas couvert par les eaux, le centre de la terre est plus élevé. » Cette opinion, Marsile la réfute comme l’avaient fait déjà la Quæstio de duobus elementis et Thémon : « Le même point est centre du Monde et centre de la gravité ; la masse entière de l’eau et la masse entière de la terre ont donc même centre… D’ailleurs, la terre habitable ou, du moins, la terre ferme serait de forme circulaire. Cette conséquence est fausse…, car la terre habitable est plus longue que large ; sa longueur est à sa largeur comme 5 est à 3. »

Le futur recteur de Heidelberg en vient maintenant « à une quatrième solution proposée par Campanus dans son Traité de la sphère, — Quarta via est quam ponit Campanus in tractatu suo de Sphæra. » Ni dans son Traité de la sphère, ni dans aucun de ses ouvrages, Campanus ne souffle mot de l’opinion qui va nous être exposée ; mais en cette opinion, nous reconnaîtrons sans peine celle que soutenaient Jean Buridan, Nicole Oresme, Albert de Saxe et Thémon.

« Dans cette explication, on suppose tout d’abord que les diverses parties de la terre n’ont pas même gravité ; l’expérience nous prouve qu’il en est de plus lourdes et de moins lourdes… De là découle cette seconde supposition que le centre

  1. Johannis Marcilii Inguen Op. laud., lib. IV, quæst. V.