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LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE

de chaque Grande Année, pour trouver, au terme de ce laps de temps, un embrasement qui l’anéantisse et pour faire place à un Monde nouveau qui durera autant que la Grande Année suivante ; mais son Monde éternel change d’une manière périodique[1], la Grande Année mesure la durée de cette période, et c’est suivant cette période que les continents alternent avec les mers.

« Ce ne sont pas toujours, dit-il[2], les mêmes parties de la terre qui se trouvent sous les eaux ni les mêmes qui sont à sec ; il y a échange entre les lieux submergés et les lieux émergés, grâce à la formation de fleuves nouveaux et à la disparition de fleuves anciens. Il se produit aussi une permutation entre les continents et la mer ; ces lieux-ci ne demeureront pas toujours mer ni ceux-là terre ferme ; là où se trouvait la terre, une mer s’est maintenant formée ; là où la mer s’étend aujourd’hui, la terre reparaîtra de nouveau.

» Nous devons penser, d’ailleurs, que ces transformations se produisent dans un certain ordre et qu’elles reviennent suivant un certain cycle. »

Périodiquement, le Monde voit revenir un Grand Hiver durant lequel l’abondance des pluies vient restreindre l’étendue de la terre ferme ; puis il se dessèche peu à peu et les continents grandissent, tandis que la mer se resserre en des bornes plus étroites ; c’est alors l’époque du Grand Été.

De cette alternance, d’ailleurs, la raison a été donnée dès le début du traité des Météores ; c’est le gouvernement exercé sur les choses d’ici-bas par les circulations rigoureusement périodiques des cieux.

Comme son maître Aristote, Théophraste niait qu’on pût, dans les diverses transformations géologiques, découvrir la preuve que le Monde a commencé et qu’il doit avoir une fin. Comment son enseignement à ce sujet nous a été conservé, c’est ce qu’il nous faut dire tout d’abord.

Parmi les nombreux écrits qu’on a donnés pour œuvres du Juif Philon d’Alexandrie, se trouve un petit traité intitulé Περὶ Κόσμου, Du Monde, ou Περὶ ἀφθαρσίας Κόσμου, De l’éternité du Monde, Guillaume Budé qui, en 1526, traduisit cet ouvrage et le fit imprimer à Bâle en 1527[3], le regardait déjà comme

  1. Voir : Première partie, ch. IV, § V ; t. II, pp. 165-169.
  2. Aristote, loc. cit.
  3. Philonis Iudaei libri Aniiquitatum. Quæstionum et Solutionum in Genesin. De Essaeis. De Nominibus Hebraicis. De Mundo. Basileae per Adamum Petrum, Mense Augusto, MDXXVII.