Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
247
LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE

cause qui explique ces faits. Il suppose qu’autrefois, le Pont-Euxin était privé de ce débouché qui lui est maintenant ouvert auprès de Byzance ; mais par la puissance des fleuves qui tombent en cette mer, ce détroit s’est ouvert, et l’eau du Pont-Euxin a fait irruption dans la Propontide et dans l’Hellespont. Il en a été de même dans la Méditerranée ; cette mer, se trouvant remplie par les fleuves, a fini par s’ouvrir le débouché des Colonnes d’Hercule ; l’eau de la Méditerranée s’étant déversée dans l’Océan, des lieux, autrefois marécageux, se sont trouvés asséchés… Il se peut que le temple d’Ammon ait été autrefois en mer et que l’écoulement de la mer, s’étant produit de la sorte, l’ait laissé au milieu des terres… L’Égypte a été autrefois sous les eaux, de la mer jusqu’aux marécages qui avoisinent Péluse, jusqu’au mont Casius et au lac Sirbonis. En effet, lorsqu’on creuse le sol, en Égypte, là où se rencontre de l’eau saumâtre, on trouve que la tranchée est formée d’un sable rempli de coquilles. Ce pays était autrefois couvert par la mer ; les lieux qui avoisinent le mont Casius et qu’on nomme Gerrha étaient occupés par des marais qui les mettaient en communication avec la Mer Rouge ; plus tard, la mer s’étant retirée, ces lieux sont demeurés à découvert, et le lac Sirbonis est seul resté ; plus tard encore, l’eau de ce lac s’est échappée à son tour en rompant ses digues, et le lac s’est transformé en marais. De même, les rivages du lac Mœris ressemblent plus aux côtes de la mer qu’aux rives d’un fleuve. »

Comme Xanthus de Lydie, comme Hérodote, comme Théophraste, Straton de Lampsaque admet sans conteste cette vérité : La présence de coquilles fossiles dans certaines terres témoigne que ces terres ont été autrefois recouvertes par la mer. Pour expliquer ce fait, il invoque un abaissement du niveau de la mer ; mais il ne reprend pas à son compte la doctrine d’Anaximandre et de Diogène d’Apollonie ; il ne pense pas que cet abaissement soit un changement universel et incessant dû à la graduelle destruction de l’élément aqueux ; il y voit seulement un phénomène local et accidentel ; le niveau de telle ou telle mer a baissé parce qu’un déversoir s’est ouvert qui a permis à cette mer de communiquer avec une autre mer moins élevée.

D’ailleurs, l’ouverture des détroits qui font communiquer entre elles les diverses mers ne suffit pas à les mettre et maintenir toutes au même niveau. Le fond de la mer s’abaisse constamment du Pont-Euxin aux Colonnes d’Hercule ; il en