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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/265

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

de comparable à celle de frère Thomas[1], ce dominicain qui fut chapelain de Robert, fils de Charles II d’Anjou, roi de Naples, et qui dédia à ce prince un traité d’Alchimie, De essentiis essentiarum. N’est-ce pas en cet ouvrage, en effet, que Frère Thomas déclare avoir vu un livre d*Alchimie editus par Abel, fils d’Adam ? Mais Frère Thomas a beaucoup lu Roger Bacon, qu’il admire fort, qu’il nomme « vir utique sapientissimus in scientiis, atque promptissimus », dont il cite les traités De influentiis, De speculis comburentibus, De loco, De sensu. Très certainement aussi, il a étudié les œuvres de son illustre confrère en Saint Dominique, Albert le Grand. Ces lectures ont éveillé sa méfiance à l’égard de l’authenticité du texte qui nous occupe.

Dans son traité De essentiis essentiarum, notre dominicain s’occupe de la nature des minéraux ; étudiant la substance des pierres, il écrit[2] : « La matière de la pierre est l’eau, plus ou moins mélangée d’une substance terrestre, selon la pureté de la pierre ; c’est conforme à ce que dit Aristote à la fin du livre des Météores (d’autres disent que ce chapitre est d’Avicenne) : Terra pura lapis non fit. »

Saint Thomas d’Aquin n’a pas de ces hésitations. Il sait que les chapitres ajoutés par Alfred de Sereshel au quatrième livre des Météores ne sont pas d’Aristote, car dans son Commentaire sur cet ouvrage, il les laisse entièrement de côté. Son exemple est suivi par Pierre d’Auvergne et, après Pierre d’Auvergne, par toute l’École de Paris. C’est ainsi que Thémon le fils du Juif ne consacre aucune question à ces chapitres. Pierre d’Abano, qui les cite, comme nous le verrons plus loin, les met formellement au compte d’Avicenne.

Parmi les auteurs de la Renaissance italienne, il en est un seul, à notre connaissance qui n’ait pas imité cette sage réserve. À la fin du xve siècle, Alessandro Achillini a publié[3] le texte qui nous occupe comme un traité De mineralibus dont Aristote serait l’auteur.

Achillini paraît isolé dans son sentiment. Des chapitres qu’il

  1. Voir : Deuxième partie ; ch. VIII, § III, t. IV, pp. 14-15.
  2. Tractatus Fratris Thomæ de essentiis essentiarum. Tractatus sextus : Demineris. Cap : De materia lapidis. (Bibliothèque nationale, fonds latin, nouv. acq., ms. no 1.715, fol. 174, ro.)
  3. Aristotelis, philosophorum maximi, Secretum secretorum ad AlexandrumEjusdem De mineralibusAlexandri Achillini De universalibus… Bononiæ, per Benedictum Hectorem, anno Domini 1501, die 26 octobris.

    Aristotelis Secreta Secretorum… Ejusdem Aristotelis De mineralibusAlexandrï Achillini De universalibus… Lugduni, per A. Blanchard, 1528.