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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/27

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

de son centre, lorsque l’astre est à l’auge du déférent que lorsqu’il est à l’opposé de l’auge ; dès lors, comme l’astre, dans une égale partie du temps, parcourt un plus grand espace, il se meut plus vite au mouvement de révolution diurne.

» Or, selon les philosophes et les astronomes, c’est en raison du mouvement des corps supérieurs que sont mues les choses d’ici-bas ; il semble donc que ces choses doivent se mouvoir davantage lorsque le mouvement d’un astre est plus considérable ou plus vite.

» Cela se remarque, d’ailleurs, d’une façon bien apparente, car les végétaux croissent lorsque le Soleil approche de l’auge, et il en est, au contraire, lorsqu’il s’éloigne de l’auge.

» Mais cela se montre surtout dans les effets de la Lune. À chaque conjonction et à chaque opposition de la Lune avec le Soleil, le flux de la mer est maximum ; cela provient de ce que la Lune se trouve alors à l’auge de son déférent. Au contraire, lorsque la Lune est en quadrature avec le Soleil, le flux est minimum ; or, à ce moment, la Lune est à l’opposé de l’auge.

» Remarquez qu’au moment où la Lune se lève, les eaux se rassemblent de toutes parts ; elles s’accumulent et se soulèvent comme pour se diriger vers leur cause et leur origine ; et ce soulèvement ne cesse de se produire jusqu’au moment où la Lune atteint le méridien. Une fois que la Lune se trouve au méridien, le gonflement des eaux diminue ; l’eau se soulève du côté opposé, où s’engendre une intumescence toute semblable. Voilà la raison pour laquelle, en chaque jour naturel, il y a deux flux. Il y a donc ainsi un bourrelet d’eau qui se tient sans cesse dirigé vers la Lune, et qui se meut d’Orient en Occident de même façon que la Lune. »

Dans le traité d’où le passage a été extrait, nous trouvons des vives-eaux et des mortes-eaux, l’explication que l’opuscule De fato nous avait fait connaître ; mais nous l’y trouvons sous une forme bien plus détaillée et bien plus complète ; il est bien vraisemblable que l’opuscule De fato avait tiré cette théorie de l’écrit que Firmin de Belleval devait consulter à son tour.

Firmin de Belleval d’ailleurs, ne se montre point disposé à suivre l’enseignement de cet écrit ; il lui adresse des objections où il se montre parfois, fort peu instruit des choses de la marée.

« On peut douter, écrit-il[1], qu’un astre errant se meuve plus

  1. Firmin de Belleval, loc. cit. ; ms, cit., fol. 133, ro et vo.