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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/274

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LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE


IX
LA GÉOLOGIE D*ALBERT LE GRAND


On peut dire de la Géologie du xine siècle qu’elle fut la Géologie d’Albert le Grand. La vaste synthèse scientifique qu’Albert avait développée sur le plan des écrits aristotéliciens eut, au cours du Moyen-Âge, un nombre immense de lecteurs ; mais, parmi les traités qui la composaient, s’il en est un qui ait joui d’une vogue exceptionnelle, qui ait, de bonne heure, fait autorité, c’est assurément le Traité des météores. Déjà Pierre d’Auvergne, commentant à son tour les livres des Météores, invoque fréquemment l’opinion d’Albert ; et nous avons dit[1] comment le Traité des météores de l’Évêque de Ratisbonne fournissait le plus grand nombre des questions dont on disputait à la Faculté des Arts de Paris, alors que le xiiie siècle faisait place au xive siècle.

Pour composer ses théories géologiques, Albert disposait d’une bonne partie des textes que nous avons analysés ; il connaissait, cela va sans dire, les Météores d’Aristote et le Commentaire d’Alexandre d’Aphrodisias sur cet ouvrage ; il ne possédait certainement pas la Géographie de Strabon, si riche de renseignements sur les opinions géologiques des Anciens ; mais certains indices laissent supposer qu’il connaissait le traité Du Monde attribué à Philon d’Alexandrie, encore qu’il ne cite pas cet ouvrage.

Les Latins, au temps d’Albert le Grand, ignoraient peut-être l’Encyclopédie composée par les Frères de la Pureté, bien qu’une traduction latine d’une partie de cet ouvrage, faite au Moyen-âge, existe encore en manuscrit ; mais le Docteur dominicain a étudié tous les autres textes, d’origine arabe, dont nous avons résumé la doctrine.

De tous ces documents et de ses observations personnelles, voyons ce qu’Albert a tiré.

Le livre Des propriétés des éléments, qu’on croyait être d’Aristote, eut une grande influence sur les théories scientifiques de la Scolastique ; Albert le Grand en a composé ün long commen-

  1. Voir : Quatrième partie, ch. VII, § II, t. VI, pp. 538-539 et 541-542.