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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/277

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» De tout cela, nous trouvons une preuve dans les débris d’animaux aquatiques et peut-être aussi dans les engins provenant de navires qu’on découvre dans les rochers des montagnes, et dans les cavernes creusées aux flancs des monts ; l’eau, sans doute, les y a portés avec le limon gluant qui les enveloppait ; le froid et la sécheresse de la pierre les ont ensuite empêchés de se putréfier en totalité. On trouve une très forte preuve de ce genre dans les pierres de Paris, car on y rencontre très fréquemment des coquilles, les unes rondes, les autres en forme de croissant de Lune, les autres encore bombées comme des écailles de tortue.

» Nous disons donc que là est la cause essentielle des montagnes ; d’autre part, au lieu d’où a été pris ce qui s’est ainsi soulevé, une vallée s’est creusée.

» Lorsqu’une montagne est fort ancienne, le sommet, coagulé en rocher par la chaleur, se dessèche ; il s’effrite alors et tombe en morceaux, à moins que ces rochers de la cime n’aient des bases fort larges au-dessus desquelles ils s’élèvent, beaucoup plus étroits, comme s’ils se trouvaient soutenus par des colonnes et des murailles.

» Quant à la cause accidentelle des montagnes, elle peut, le plus souvent, se partager en deux autres.

» La première de ces causes est l’alluvion et, surtout, l’alluvion marine ; car les autres eaux ne peuvent produire une alluvion bien considérable. La mer, en effet, soit par ses vagues, soit par l’action du flux et du reflux, enlève aux rivages beaucoup de terre ; elle accumule ensuite cette terre, élevant une montagne d’un côté, creusant une vallée de l’autre…

» L’autre cause accidentelle se rencontre là où de grandes étendues sablonneuses sont balayées par des vents violents. Là, en effet, il arrive fréquemment que le vent enlève le sable d’un endroit pour l’accumuler dans un autre ; en ce dernier lieu, selon la masse du sable déplacé, il se fait un mont, grand ou petit. »

Nous savons, par le propre témoignage d’Albert le Grand, qu’il connaissait le petit traité Des minéraux et qu’il l’attribuait à Avicenne ; nous ne nous étonnons donc pas de retrouver, dans ce que nous venons de lire, des souvenirs fort reconnaissables du chapitre que ce traité consacre à la formation des montagnes ; mais le Docteur dominicain enrichit l’enseignement d’Avicenne en y introduisant ses propres remarques ; les coquilles fossiles, si abondantes dans le calcaire grossier avec