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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/282

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LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE

avions lu, sur le même sujet, au Traité des minéraux d’Ibn Sinâ.

Cette analyse des doctrines géologiques d’Albert nous a fait reconnaître l’étendue de son érudition. Mais cette érudition ne lui a pas servi à produire une simple compilation. Non seulement il a enrichi d’observations personnelles très nombreuses et, souvent, très sensées et très justes, les connaissances qu’il tenait de ses lectures, mais encore il a fondu toutes ces connaissances pour en composer une théorie logiquement coordonnée.

Il a rejeté tout à fait au second plan l’action orogénique des eaux douces ou marines pour attribuer le rôle principal aux soulèvements plutoniens. Il a nié les débordements soudains et universels de l’Océan ; il a réduit les changements de figure des continents et des mers à n’être que des modifications très lentes et il les a limités à des aires peu étendues. Les eaux douces ont surtout pour effet de ruiner et détruire les montagnes ; elles sont intervenues, toutefois, pour durcir, pour cimenter les terrains soulevés et les transformer en roches ; c’est au cours de cette transformation que des coquilles et d’autres animaux se sont trouvés pétrifiés. Enfin, on ne doit pas oublier que, de tous ces changements, la cause réside dans les révolutions des orbes supérieurs qui ramènent, au bout d’un temps très long, une même configuration du ciel. Les mouvements du Monde supérieur gouvernent, comme le voulait Aristote, toutes les générations et toutes les destructions d’ici-bas.

Telle est, résumée en quelques lignes, la théorie géologique d’Albert le Grand.


X
LA GÉOLOGIE DE RISTORO D’AREZZO


Les écrits d’Albert le Grand et le Speculum naturale de Vincent de Beauvais ont eu la plus grande vogue ; ils ont été, pour beaucoup de ceux qui ont succédé à leurs auteurs, la source où se puisait la connaissance de la nature. Nous trouvons une marque bien reconnaissable de cette influence dans le traité Della composizione del Mondo écrit en 1282 par Ristoro d’Arezzo.

Le chapitre de son livre où Ristoro d’Arezzo étudie la génération et la destruction des montagnes débute par un passage