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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/291

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Notre auteur déclare que la chaleur de l’eau n’est pas, comme le voulait Empédocle, la cause unique de la formation de ces pierres. « Dans ce cas, en effet, elles se devraient faire à l’endroit le plus chaud ; or ce n’est pas ce qui arrive à Abano ; elles se font plutôt aux environs du lieu le plus chaud. »

L’analyse du mécanisme par lequel se produisent ces pétrifications conduit Pierre à rappeler ce qu’« Avicenne dit à la fin des Météores : La terre pure ne se change pas en pierre — Terra pura lapis non fit ». Résumant ce passage si souvent cité, il ajoute : « Avicenne dit aussi qu’une vertu pétrifiante universelle convertit en pierres des animaux et des végétaux. Chez nous, en Italie, il existe un certain endroit où tout objet qu’on y a mis se convertit en pierre avec le temps ; il en est de même en Angleterre. »

Ces diverses observations laissent de côté toute considération astrologique. Il n’en sera plus de même de celles que nous allons rapporter.

Comme tous ses contemporains, Pierre d’Abano croit que des êtres vivants peuvent naître sans parents au sein des matières en putréfaction ; comme tous ses contemporains, c’est à l’action des astres qu’il attribue ces générations spontanées. Cette action se fait, à son gré[1], comme en deux temps. Les changements de position des corps célestes ont, tout d’abord, le pouvoir de produire au sein de la matière une sorte de germe, . de raison séminale, de principe à partir duquel l’être vivant sera plus tard engendré. « Puis, à revêtir une certaine forme, ce germe est déterminé par la vertu des étoiles et par sa forme spécifique ; le monde entier, en effet, est rempli de ces formes spécifiques ou idées. »

De cette puissance formatrice que possèdent les étoiles, notre auteur donne une preuve étrange[2] ; ce pouvoir se manifeste par la production de pierres dont la figure est celle d’organes qui appartiennent à des êtres vivants. »

La forme spécifique des différents êtres et, en particulier, des pierres, ne résulte donc pas simplement[3] de la proportion suivant laquelle les quatre éléments sont mélangés en eux ;

  1. Petri Aponensis Op. laud., particula X, problema XIII ; éd. cit., fol. 102, col. b.
  2. Pierre d’Abano, loc. cit. ; éd. cit., fol. 102, col. c : « Per oppositum igltur quædam errunt [stellæ] in generatione proprie ordinate ; ut ostendunt quidam lapides natura producti ad similitudinem membri virilis et femellæ. »
  3. Petri Aponensis Conciliator differentiarum ; Diflerentia LXXI, art. 3.