» À l’objection, je réponds : On dit que le bois ne peut être changé en pierre ; je dis, au contraire, que si la vertu pétrifiante (virtus factiva lapidis) se rencontre en un lieu où se trouve un morceau de bois, celui-ci, par la vertu de sa constellation, passe à l’état de pierre.
» Aussi Albert dit-il[1] qu’il y a, en Gothie, une source d’eau douce, et que tout ce qu’on y plonge se trouve changé en pierre, et cela par la raison susdite. L’empereur Frédéric, qui en voulait faire l’expérience, jeta dans cette fontaine son gant (siretecam pour chiroihecam) avec son anneau ; peu de temps après, il les retira ; il vit que la moitié en était déjà changée en pierre. »
Cette question, rédigée par Henri de Bruxelles ou par Henri l’Allemand, ajoute un seul trait à l’enseignement d’Avicenne et d’Albert le Grand ; en décrivant les opérations par lesquelles le corps d’un animal se transforme en pierre, ceux-ci n’avaient point fait mention de l’influence exercée par les astres ; non pas que cette influence leur parût oiseuse, car toute formation de mixte se fait ici-bas, ils l’ont maintes fois déclaré, sous la direction des corps célestes ; mais parce qu’ils s’étaient contentés de porter leur attention sur le mécanisme immédiat de la pétrification ; l’auteur de la question que nous venons de traduire s’empresse de réparer cette omission ; il nous rappelle avec insistance que les agents d’ici-bas, le froid et l’humidité, seraient impuissants à changer en pierre le corps d’un animal si la vertu d’une constellation bien déterminée ne provoquait cette transformation.
Toutefois, il ne pousse pas son recours aux explications astrologiques jusqu’aux excès d’un Pierre d’Abano ; si la vertu des étoiles est intervenue pour changer en pierre des débris d’animaux, on ne va pas jusqu’à prétendre qu’elle a donné la forme de coquille a des pierres qui n’ont jamais eu vie.
Pierre d’Auvergne enseignait à la Faculté des Arts de Paris en même temps qu’Henri de Bruxelles et qu’Henri l’Allemand ; il croyait comme eux que toutes les transformations du Monde sublunaire sont régies par les circulations du Monde céleste ; nous avons dit déjà[2] comment il exposait cette doctrine, comment il en concluait à la perpétuelle alternance d’un temps de grande humidité et d’un temps de sécheresse dominante ; il faisait entièrement sienne la doctrine exposée par le Stagirite