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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/297

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

va sans dire, se trouver dans le mouvement diurne. « Les mouvements des astres errants sur l’écliptique ne peuvent pas davantage être causes de ce changement ; le plus lent de ces mouvements, qui est celui de Saturne, s’achève cependant en cinquante-trois ans…

» Vient enfin le mouvement de la huitième sphère qui est le plus lent ; on dit, en effet, qu’en cent ans, il conquiert seulement un degré sur l’écliptique ; il ne peut, toutefois, être cause de ce changement ; en effet, s’il passe un degré en cent ans, il doit accomplir sa révolution en trente-six mille ans ; partant, s’il était la cause de ce changement, dans dix-huit mille ans, l’Océan (magnum mare) serait tout entier là où se trouve maintenant la terre habitable et inversement ; et dans les dix-huit mille années suivantes, il reviendrait à la place qu’il occupe à présent.

» Mais c’est le contraire qui nous apparaît. S’il en était ainsi, en effet, quatre mille ans suffiraient à nous manifester une partie très notable, presque le quart, de cette permutation ; de la terre qui, il y a quatre mille ans, était découverte et habitable, aujourd’hui, c’est-à-dire quatre mille ans plus tard, le quart serait recouvert par la mer. Il est visible que cela est faux ; Aristote est venu presque deux mille ans avant nous, et les Égyptiens dont parle Aristote l’avaient précédé d’autant ; et cependant, ce que les Égyptiens avaient dit de l’ordonnance des rivages, des pays, des grandes montagnes qui s’élevaient à l’ouest, à l’est, au nord, au sud, tout cela, Aristote l’a trouvé vrai de son temps et nous le retrouvons tel qu’Aristote l’a trouvé. »

D’un tel raisonnement, l’auteur du Liber de elementis, et Albert le Grand après lui, ont conclu que toute circulation céleste était trop rapide pour servir de règle à la permution des continents et des océans ; comme il était d’ailleurs convenu que cette dernière ne se pouvait produire à moins d’être gouvernée par le mouvement de quelque corps céleste, on en devait conclure qu’elle n’avait pas lieu.

Que ce raisonnement n’ait rien de probant, même pour qui en reçoit le principe, c’est ce que Buridan démontre, et c’est l’objet de sa troisième conclusion. Cette argumentation suppose, en effet, qu’il n’est au ciel aucun phénomène dont la période surpasse la durée de révolution du ciel des étoiles fixes ; or cette supposition n’est point exacte.

« Pour les mouvements célestes, la période la plus longue