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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/328

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CHAPITRE XIX
LA ROTATION DE LA TERRE

I
QUE LA FACULTÉ DES ARTS DE PARIS DISCUTAIT,
AU XIVe SIÈCLE, L’HYPOTHÈSE DE LA ROTATION DE LA TERRE

Au gré de Jean Buridan et de ses disciples, la terre éprouve un mouvement très lent, mais incessant, pour ramener au centre du Monde son centre de gravité que déplace continuellement l’érosion produite par les rivières. La question sur le Traité du Ciel où Albert de Saxe exposait cette hypothèse était ainsi formulée[1] : « Au milieu du Ciel ou du Monde, la Terre demeure-t-elle sans cesse en repos ou bien se meut-elle sans cesse ? » Parmi les conclusions qu’Albert formulait, se trouvait celle-ci, à laquelle il attribuait le troisième rang :

« La terre ne se meut pas d’un mouvement de rotation, soit d’Orient en Occident, soit en sens contraire, du moins de mouvement diurne, comme certains Anciens l’ont prétendu ; ils ont dit, en effet, que le ciel demeurait en repos et que la terre se mouvait. »

Or, à la suite de cette conclusion, l’auteur écrivait :

« Au sujet de cette question ou de cette conclusion, je dois avertir qu’un de mes maîtres semble vouloir soutenir cette opinion : L’impossibilité d’admettre le mouvement de la terre et le repos du Ciel ne saurait être prouvée. Mais, sauf le respect que je lui dois, il me semble que cela se peut fort bien démontrer, et cela par le raisonnement suivant : D’aucune manière nous ne saurions, en admettant le repos du ciel et le mouvement de

  1. Quæsttones subtilissimæ Alberti de Saxonia in libros de Cælo et Mundo ; lib. II, quæst. XXVI. (Quæst. XXIV apud ed. Parislis, 1516 et 1518.)