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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/368

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LA PLURALITÉ DES MONDES

mondes, cela leur parut surtout résulter de l’impossibilité du vide. Hors du Monde, avait dit Aristote, il n’y a pas de lieu, car il n’y a aucun corps ; il n’y a pas non plus le vide, car un espace vide, c’est un espace où il n’y a pas de corps, mais où il pourrait y en avoir un ; hors du Monde, il ne peut pas y en avoir. Cet argument tombait dès là que, hors des bornes de notre Monde, l’existence d’un autre monde était tenue pour réelle ou seulement possible ; contre la supposition, donc, de la pluralité des Mondes, on pouvait dresser l’impossibilité du vide.

Nous avons dit précédemment[1] avec quelle faveur cet argument avait été développé par Michel Scot, par Guillaume d’Auvergne, par Roger Bacon ; nous ne reprendrons pas ici les développements qu’ils ont donnés à ce sujet ; nous dirons seulement ce qu’ils ont, contre la pluralité des Mondes, déclaré en sus de cette preuve.

Après avoir rappelé sommairement le raisonnement d’Aristote contre la pluralité des Mondes, Michel Scot ajoute[2] :

« Il en est qui prétendent ceci : Dieu, qui est tout puissant, a pu et peut encore créer, outre ce monde-ci, un autre monde, ou plusieurs autres mondes, ou même une infinité de mondes, en composant ces mondes soit d’éléments semblables à ceux qui forment celui-ci, soit d’éléments différents. »

À cette objection, l’astrologue de Frédéric II répond :

« Cela, Dieu peut le faire, mais la nature ne le peut subir. Il résulte de la nature même du Monde, de ses causes prochaines et essentielles, que la pluralité des Mondes est une impossibilité ; Dieu, cependant, pourrait faire plusieurs mondes s’il le voulait. » Il faut, en effet, distinguer entre la puissance de Dieu prise absolument et sa puissance rapportée au sujet de son opération. Il est des choses dont la puissance de Dieu, considérée d’une manière absolue, est capable ; mais ces choses ne peuvent être réalisées par sa puissance, prise en tant que relative, parce que la nature n’est pas susceptible de recevoir ces actions de la puissance divine ; c’est ainsi que la nature ne saurait recevoir plusieurs mondes.

Ernest Renan a dit de Michel Scot qu’il était le fondateur

1. Voir : Cinquième partie, ch. VIII, § III, t. VIII, pp. 28-35.

2. ÊEximii atque excellentissimi physicorum motuum cursusque siderei indagatoris Michaelis Scoti super Auctore Sphærœ, cum quæstionîbus diligenter emendatis, expositiQ connecta illustrissimi Imperaloris Domini JD, Frederici precibus. Les éditions données à Venise en 1518 et 1531 ont été décrites au t. II, p. 146, en note et au tome III, p. 246, en note.

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