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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/372

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LA PLURALITÉ DES MONDES

très sommairement l’argumentation péripatéticienne[1] sans faire aucune allusion à l’impossibilité d’un espace vide ; mais il reprend ce principe et la preuve qu’on en peut déduire dans ses Communia naturalium[2], ou mieux dans ce traité De cælestibus que le texte conservé à la Bibliothèque Mazarine donne pour le second livre des Communia naturalium.

Aux raisons d’Aristote, à la preuve tirée de l’impossibilité du vide, Bacon joint maintenant ces réflexions :

« On ne peut pas, non plus, prétendre qu’un second monde entoure le premier, car alors le centre de l’un serait le centre de l’autre, en sorte qu’il n’y aurait pour tous deux qu’une seule terre ; il en serait de même des autres parties du monde ; il n’y aurait donc qu’un seul monde.

» En outre, s’il existait une raison pour qu’il y eût deux mondes, pour la même raison il y en aurait trois, quatre et ainsi de suite à l’infini, car tout ce qui concerne le monde est indifférent à tel ou tel nombre. Il faut donc qu’il y ait une infinité de mondes ou bien qu’il n’y en ait pas plus d’un ; or les mondes ne sauraient être en nombre infini ; donc il n’y en a qu’un. »

Celui qui écrivait ces lignes avait lu le De Universo de Guillaume d’Auvergne.

Michel Scot, Guillaume d’Auvergne, Roger Bacon, voulant prouver qu’il ne peut exister plusieurs mondes, ont tiré leur principal argument de l’impossibilité du vide, qu’Aristote n’avait pas invoquée dans ce but ; ils n’ont pas paru tenir grand compte du raisonnement que le Stagirite avait développé avec le plus de soin, du raisonnement qui a trait au mouvement de la terre vers son lieu naturel ; Michel Scot et Guillaume d’Auvergne n’en ont pas parlé ; Bacon s’est contenté de le citer en passant, alors qu’il énumérait les diverses raisons péripatéticiennes contre la pluralité des mondes.

Le raisonnement d’Aristote soulève, cependant, des problèmes essentiels. Il pose, tout d’abord, cette question : Le poids d’un grave varie-t-il avec la distance de ce grave au centre du Monde ? Sous cette question même, Averroès nous a montré qu’il fallait discerner cet autre problème, dont l’ampleur est

  1. Fratris Rogeri Bacon Opus tertium, cap. XLI ; éd. Brewer, pp. 140-141.
  2. 2