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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/378

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LA PLURALITÉ DES MONDES

faire un monde est déjà comprise en celui-ci. Le second est tiré de la nature du mouvement naturel. Le troisième se fonde sur l’impossibilité du vide. Nous avons déjà rapporté ce que Godefroid disait à propos de ce dernier[1] ; seules, les réponses aux deux premiers nous retiendront ici.

« Le Philosophe pose que Dieu ne peut rien faire sans l’intermédiaire du mouvement du Ciel, et qu’il ne peut rien faire si ce n’est par un changement imposé à la matière ; en toute production (factio) nouvelle, il suppose que préexiste la matière du sujet de cette production ; selon lui, donc, la production d’une matière nouvelle est impossible. Partant, un autre monde ou une autre terre dans cet autre monde est chose dont la production est impossible, car ce monde-ci contient toute nature, tant en acte qu’en puissance.

» Mais Dieu, qui a déjà produit une matière, en peut produire une nouvelle, et de celle-ci, il peut produire autre chose. Par cela donc que ce monde-ci est formé de toute sa matière, l’existence d’un autre monde n’est pas rendue impossible. »

Contre les causes naturelles, dont l’action se borne à informer d’une façon nouvelle une matière préexistante, le principe d’Aristote est valable ; ces causes ne sauraient faire un monde nouveau, car hors de ce monde-ci, il n’y a plus aucune matière apte à devenir monde. Mais cet argument ne conclut rien à l’égard d’un Dieu créateur dont le pouvoir ne se borne pas à informer une matière pré-existante, mais dont la toute-puissance peut innover même une matière.

Quant à l’objection tirée du mouvement naturel, c’est aux principes mêmes du Péripatétisme et, surtout, du Néo-platonisme arabe que Godefroid en demande la solution.

Si notre terre possède, au centre de notre Monde, un lieu propre où elle demeure naturellement en repos, vers lequel elle se mouvrait de mouvement naturel si elle en était écartée par violence, elle le doit à sa propre disposition à l’égard du Ciel, à l’influence qu’elle reçoit de ce Ciel ; « en effet, au gré d’Aristote, le premier mouvement est la cause de tous les autres mouvements naturels. » De même, dans un autre monde, c’est du ciel qui l’entoure que la terre de cet autre monde tiendrait son lieu propre ; elle se mouvrait donc de mouvement naturel vers le centre de cet autre monde. « Comme, à l’égard de notre

  1. Voir : Cinquième partie, ch. VIII, § IV, L VIII, pg|35-36.