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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/382

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LA PLURALITÉ DES MONDES

être sous la forme du Ciel ou sous la forme d’une partie quelconque du Ciel qui n’y soit d’une manière actuelle ; sinon, il y aurait au Ciel génération et corruption, changement relatif à l’essence et à la forme. »

Ainsi pris, cet axiome : Le Ciel comprend toute sa matière, et il en est de même de chacune de ses parties, est l’équivalent de cette proposition : Dans sa totalité et dans chacune de ses parties, le Ciel échappe à la génération, à la destruction et au changement. Évidemment, cette proposition n’exclut pas la possibilité de cieux multiples. Gilles a grand soin de le marquer, car il ajoute tout aussitôt :

« Partant, s’il existait deux Soleils, on pourrait dire de chacun d’eux qu’il comprend toute sa matière ; en chacun d’eux, en effet, il n’y aurait aucun changement concernant la forme ou l’essence ; toute la matière qui peut être sous la forme de ce Soleil-ci y est entièrement en acte, et de même en est-il de toute la matière qui peut être sous la forme de ce Soleil-là ; sous ce rapport, en effet, on ne peut, en chacun d’eux, établir de différence entre ce qui est et ce qu’il peut être, entre ce qu’il a et ce qu’il peut avoir. Dès lors, chacun de ces deux Soleils posséderait, d’une manière actuelle, toute la matière qu’il peut posséder ; c’est donc à juste titre qu’on dirait de lui qu’il comprend la totalité de sa matière. »

Cette interprétation, qui semble très conforme aux principes du Péripatétisme, énerve une des objections qu’on aimait à soulever contre la pluralité des Mondes.

Le langage de Gilles de Rome dans son Opus hexaemeron ne fait que préciser celui qu’il avait tenu dans un de ses Quolibets[1].

« Parler, dit-il, au sujet des corps simples, de la production d’une espèce nouvelle, c’est dire qu’il se produirait un nouveau ciel ou un nouvel élément ; l’un comme l’autre est impossible.

» Par les voies de la nature (via naturæ), un nouveau Ciel ne se peut produire, car chacun des Cieux comprend la totalité de sa matière ; un Ciel ne peut donc, par voie de corruption, se changer en un autre Ciel ; un autre Ciel ne peut davantage se convertir en celui-là ; d’aucune façon, il ne saurait s’introduire aux Cieux aucune nouveauté de forme ni de mouvement. Un

1. Quodlibet domini Egidii Romanï. — Theoremata ejusdem de corpore christi. — Guliermus ocham de sacramento altaris. — Cum Privilegio. — Colophon : Impression Venetijs per Simonem de Luere : Impensis domini Andree Torresani de Asula. 18 Januarij 1502. — Quodlib. VI, quæst. VIII : Utrum via nature posset generari vel fier ! nova species que nunquam fuerît facta. Fol. 77, col. b, c et d.

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