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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/384

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LA PLURALITÉ DES MONDES

qu’on avait opposées à cette proposition, soit à les interpréter de telle manière qu’elles ne soient plus des objections.

À la suite de l’anathème formulé par Étienne Tempier, les maîtres d’Oxford, soumis, eux aussi, à cette décision, avaient élaboré, touchant la pluralité des Mondes, une doctrine où se reconnaissaient les pensées de Godefroid de Fontaines, d’Henri de Gand, de Richard de Middleton ; c’est cette doctrine qu’expose en grand détail et, quelquefois, avec une prolixité un peu confuse, une question composée par Guillaume Varon sur les Sentences de Pierre Lombard[1].

« On peut, dit Varon[2], considérer le Monde à deux points de vue.

» Par monde, on peut entendre l’universalité des créatures prises dans leur ensemble ; alors un monde autre que celui-ci, une fois fait, ne serait pas constitué par l’universalité des créatures ; ce ne serait donc pas un autre monde, mais seulement une partie de l’Univers.

» D’une autre manière, on peut entendre par autre monde une autre sphère céleste, à l’intérieur de laquelle seraient quatre autres éléments ordonnés comme nos quatre éléments le sont sous notre Ciel. C’est de cette seconde manière que l’entend notre question. »

Parmi les raisons favorables à la réponse affirmative, il faut, à côté d’arguments d’autorité, signaler ce passage :

« La possibilité de produire deux mondes n’implique aucune contradiction de la part du Producteur, puisque celui-ci est tout puissant. Elle n’en implique pas davantage de la part de ce qui est fait ; la matière qui est présentement produite a été faite de rien et elle est [tout entière] occupée par la totalité de la forme qui lui est propre ; puis donc qu’elle existe par création, on ne voit aucune raison qui empêche une autre matière d’être faite de rien et d’être de son côté, occupée par sa forme. Enfin elle ne répugne pas au monde déjà produit ; de même, s’il n’existait qu’un seul homme et qu’il occupât toute la matière de l’homme, il ne lui répugnerait aucunement que la création d’un autre, homme fût possible. »

Parmi les objections contre l’existence de plusieurs mondes,

  1. Gulielmi Varonis Quæstiones in quatuor libros Sententiarum ; lib. II, quæst. VIII : Quæritur utrum Deus posset facere alium mundum simul cum isto. (Bibliothèque Municipale de Bordeaux, ms. no 163, fol. 96, col. c, à fol. 97, col. c.)
  2. Loc. cit., fol. 96, col. c.