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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/394

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LA PLURALITÉ DES MONDES

sont numériquement distinctes qu’elles se meuvent vers des lieux distincts, comme le prétendait l’objection que réfute Aristote ; elles se meuvent vers des lieux distincts parce qu’elles occupent des positions différentes à l’intérieur de cieux différents ; tout comme deux feux, par l’effet de leurs situations différentes, se meuvent vers des parties différentes du Ciel. »

Les Péripatéticiens vont-ils être convaincus par cette argumentation ? Non certes, car ils répondront avec leur Maître : Le mouvement naturel de la terre au sein du second monde la portera au centre de ce second monde ; par là, il arrivera qu’il éloigne cette terre du centre du premier monde ; la terre s’éloignera donc, par mouvement naturel, du centre de notre monde ; partant, lorsqu’elle tombera vers ce centre, ce sera de mouvement violent, car on a formulé cet axiome : Si un corps s’éloigne d’un lieu par mouvement naturel, il ne peut s’approcher de ce lieu que par mouvement violent.

Cet axiome essentiel de la Mécanique péripatéticienne, Guillaume d’Ockam n’hésite pas à le nier ou, plutôt, à le corriger : « Si, dit-il, un corps s’éloigne naturellement d’un lieu quelle que soit sa position initiale, il ne pourra tendre vers ce lieu que par mouvement violent. Mais s’il ne s’éloigne naturellement de ce lieu qu’à partir de certaines positions initiales, il n’est pas nécessaire qu’il s’en approche toujours par mouvement violent.

» Du feu, placé entre le centre du Monde et la circonférence du Ciel, nous en donne un exemple ; lorsqu’il tend vers la partie la plus proche de cette circonférence, il s’écarte de la partie opposée ; cependant, si on le plaçait entre le centre et cette dernière partie, c’est vers celle-ci qu’il tendrait naturellement. »

» Le Stagirite s’est donc sans cesse réclamé de principes trop restreints, trop particuliers ; il avait été conduit à les formuler parce qu’il n’avait porté son attention que sur le mouvement des corps pesants ; s’il eût analysé le mouvement des corps légers, sa Physique même l’eût contraint d’admettre d’autres principes et de délaisser certains de ses arguments contre la pluralité des Mondes.

Il eût, toutefois, gardé cette objection : Il ne peut exister plusieurs cieux, car le Ciel comprend toute la matière qui convient à sa nature. Mais Cckam lui riposte alors « que le Ciel comprend toute la matière convenable déjà existante, mais non pas toute la matière qui peut exister ; Dieu peut, en effet, créer à nouveau de la matière céleste, comme il peut créer une nouvelle quantité de matière de n’importe quel corps. »